Le nouvel amour de Don Juan (Toncrate)
« Ce que je venais de dire à la vieille marquise Guy de Ruy était l'exacte vérité. Il y avait trois jour à peine que je me trouvais dans ce wagon des chemins de fer d’Île-de-France, allant rendre une visite de courtoisie à mon ami, le Conte Ravila de Ravilès, lorsque le compartiment fut envahi par cinq jeunes femmes entreprenantes, enfroufroutées de mousseline blanche et de dentelles du Puy-en-Velay. Cinq magnifiques houris semblant sortir tout droit d’un conte des mille et une nuits qui ne cessaient de minauder en prenant place autour de moi, m’effleurant du genou ou me cognant du coude, me souriant plus qu’il ne faut mais sans doute moins qu’il m’en vœu.»
« Durant le commencement du voyage j’eus tout loisir d’observer longuement cet équipage de beautés, espionnant les jolis minois dans le reflet de la vitre, écoutant à la volée les remarques et les réflexions hermétiques qui fusaient, me délectant des chansonnettes à la mode qu’elles s’amusaient à fredonner en chœur et m’inquiétant de ces rires clairs qui partaient sans raison apparente, dont j’ignorais ce qui les déclenchait ; parce que je craignais d’en être indirectement la cause.»
« Eh bien, figurez-vous, mon bon ami, comme je le disais à la marquise Guy de Ruy en arrivant, ce qui aurait été impossible à imaginer si d’aventure j’avais partagé ce pullman avec une jeune femme esseulée, cela s’était réalisé avant l’issue du voyage du fait du groupe : nous avons fait connaissance. Après que j’eus décliné mon rang et ma qualité, les voyageuses se sont également présentées. Il y avait là la fille de Monsieur D’Enjalbert de Paris, accompagnée de sa cousine et leurs suivantes. Nous avons conversé, échangé, plaisanté et pris date de nous revoir en ville sous quinzaine. J’ai gagné tant d’exaltation à cette rencontre que je crois bien avoir laissé votre journal de la dépêche sur l’un des sièges de la voiture. Je vous en demande pardon.»