Buée (Tilu)
L’horloge indique vingt deux heures trente, mais elle est en avance, son tic-tac grave s’est interrompu pour qu’elle puisse sonner son « ding » de la demie. Je la remets à l’heure au début de chaque jour mais inexorablement elle grignote le temps, comme s’il ne passait pas assez vite tout seul…
Le front appuyé à la vitre, je regarde au dehors. La rue en contrebas a retrouvé son calme de soirée après l’agitation de la fin de journée.Les trottoirs sont mouillés mais il ne pleut plus guère.
Un homme chapeauté et pressé allonge sa foulée pour attraper son bus.
J’imagine un instant que c’est toi qui arrive en courant, à un rendez-vous que je t’aurais donné…
Le passant saute dans son bus et au coin de la rue, le bus gris disparaît.
La rue est devenue déserte et silencieuse. Le tic-tac de l’horloge a repris sa chanson.
Mon souffle sur la vitre embrume le carreau, ou bien est-ce autre chose…
Je ne vois plus la rue, tout est flou là en bas.
Mes yeux remontent alors le long de la façade de la maison d’en face qui me regarde, blafarde et ahurie, de ses gros yeux de verre et elle semble me dire :
« Qu’espères-tu encore ? »