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Paroles Plurielles
16 septembre 2007

Vol de nuit (Plum')

L’horloge indique vingt-deux heures trente mais elle est en avance de cinq heures. Dehors, il fait gris, triste. Dehors, c’est l’automne depuis l’automne dernier. Elle est là, face à ma fenêtre, immense, rose, semblant me narguer. L’effraie m’effraie, depuis toujours.

 

Le carillon se manifeste. Juste un coup pour marquer le quart d’avant vingt-trois heures. J’ai réservé mon billet. Un billet Prem’s. Comme première classe. Tant qu’à faire, je veux que mon ultime voyage soit à la hauteur de toutes mes dernières espérances. La hulotte m’observe, m’hypnotise de ses deux hublots.

 

Vingt-trois coups résonnent dans le salon. C’est long, vingt-trois « dong ». Et le tic-tac reprend, sec, régulier. Et il s’insinue en chacune de mes cellules. Tic-tac, tic-tac, tic-tac font mes yeux et mes cils sont devenues de grandes plumes balayant les traces de sel, laissées par mes larmes, sur mes cernes. Tic-tac, tic-tac, tic-tac soubresaute mon cœur, tout au bord de l’arrêt, prêt à une proche capitulation.

 

Je détaille pour la dernière fois, je l’espère, la portion de quartier que m’offre la fenêtre du salon. J’exècre la façade d’en face qui semble me faire de l’œil, telle une chouette de briques avec deux gros yeux de bœuf.

 

Ca y est. Je sens que c’est l’heure. Vingt-trois heures quatorze. Mon cœur s’emballe. J’ai du mal à déglutir. J’ai du mal à inspirer. Ne pas dépasser la dose prescrite qu’il y avait d’inscrit sur le flacon. Quelle idée de fabriquer des médicaments qui peuvent tuer ! Je n’ai pas laissé de lettre. Je ne veux pas de traces derrière moi. Pour quoi ? Pour qui ? Puisque tout le monde s’en fout. Plus de boulot, plus d’électricité, plus de gaz, plus d’époux, plus personne à qui parler, plus d’allocations, plus de fierté, plus de regrets, plus de souvenirs et aucun devenir. Rien, sinon cet horrible rapace, là, en face…

 

Juste un désir. Celui de partir avant minuit, assise sur mon beau fauteuil Voltaire, avant que ce dernier ne se transforme, lui aussi, en oiseau de la nuit. Juste envie d’un minuit en plein jour…

 

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Commentaires
M
l'horloge est en avance, elle se trompe<br /> j'espère que la narratrice elle aussi s'est trompée dans le nombre de pilules à avaler... qu'il lui reste une chance...
I
l'important c'est qu'elle se soit envolée de cet endroit nuisible et malfaisant ...<br /> <br /> car elle s'est envolée hein Plum' ?
P
cils devenus grandes plumes, pardon.
P
Chère Plum', j'ai apprécié les images poétiques...<br /> <br /> "Tic-tac, tic-tac, tic-tac font mes yeux et mes cils sont devenues de grandes plumes balayant les traces de sel, laissées par mes larmes, sur mes cernes. Tic-tac, tic-tac, tic-tac soubresaute mon cœur, tout au bord de l’arrêt..." <br /> <br /> (j'aurais juste retiré "sur mes cernes" qui allonge un peu trop la phrase - > l'utilité du passage par un style poétique, cela permet d'être elliptique).<br /> <br /> Et j'aime bien l'énumération, plus de, plus de, plus de... <br /> <br /> Une tranche de vie douce amère? Ou acide ? <br /> <br /> o;)
B
il faut toujours mettre du rite dans ses actes, peut être surtout celui là
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