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Paroles Plurielles
1 octobre 2007

Le vide de la solitude (Brie)

 Je lui ai dit de se taire. Ça faisait dix ans, jour pour jour, que l’on ne s’était pas revues.  Je mijotais ma venue à la date précise de ce jour où je l’avais menacée de ne plus la voir..Ce fut la rupture d’une amitié d’enfance, la fin de nos crises de rire, de nos joies, de sa joie.

Je pensais souvent à elle, à nos fous rires, à notre connivence d’alors et intérieurement, je me disais et j’espérais de tout mon cœur qu’elle se serait détachée de cet horrible vice qui vous ronge le corps et l’âme. Je voulais en avoir le cœur net. Quoi de plus sûr que de lui offrir quelques liqueurs que j’avais confectionnées moi-même ?

J’arrivais chez elle en milieu de matinée et la surprise passée de nos retrouvailles, nous nous installâmes dans sa petite cuisine. Je souris en la voyant ranger les bouteilles. Je pensais alors que j’avais eu raison d’espérer. Nous parlâmes de choses et d’autres, insignifiantes au début, comme souvent lorsque l’on se revoit après de longues années de séparation. Puis, elle commença à ma raconter sa vie et je la vis se diriger vers son placard pour en sortir une première bouteille. « allez, nous allons fêter ta visite, juste un p’tit verre ! » me dit-elle…

J’eus droit bien à ses reproches sur le fait que je l’avais quittée d’un coup puis, elle ma raconta un peu sa vie de femme mariée et de mère, et j’eus aussi droit à l’histoire de son divorce dont elle me cachait sans doute les causes réelles.

Une heure après, la bouteille était vide

Je lui ai dit de se taire ! Plus elle parlait, plus elle buvait ! mais partie sur sa lancée, elle alla chercher une autre bouteille.

Puis, elle me raconta son village, les gens qui traversaient le trottoir lorsqu’ils l’apercevaient au loin, les commerçants qui ne voulaient plus la servir, les enfants qui se moquaient d’elle et ses propres enfants qui, eux aussi, étaient partis depuis longtemps et ne venaient  plus là voir.

Je lui ai dit de se taire : la deuxième bouteille était vide !

« Encore un p’tit verre ! je suis tellement contente de te voir » me dit-elle. Et, tout en buvant verre sur verre, elle embraya sur sa solitude.

Le vide de sa vie ressemblait à l’intérieur des trois bouteilles désormais vides posées sur la table, un néant translucide et si lourd de tristesse.

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Commentaires
A
http://zenpourlesnulles.canalblog.com/archives/2007/10/05/6432900.html#comments<br />
I
Je partage la conviction de Juliette... offrir trois bouteilles de vin à son amie... <br /> <br /> tiens moi j'aurai choisi trois bouteilles de parfum ...<br /> <br /> n'empêche j'ai aimé ton écriture sur les enchaînements de bouteilles liées aux causes.. on dégringole peu à peu dans ce qui ne peut aboutir qu'à une solitude<br /> <br /> Quelle tristesse
J
Ce n'est pas bien d'avoir amené 3 bouteilles...On ne doit pas jouer avec le feu (mince, ma langue a failli fourché)..<br /> <br /> Une addiction, on l'a à vie...La nana, si elle avait voulu aider sa copine, elle aurait dû venir avec 3 bouteilles de jus d'orange...J'en sais quelque chose....Si une copine m'emmenait dans un lieu de perdition que j'adore et qui brille de mille feux, je doute fort que je ne succombe pas à la tentation...C'est faire preuve de sadisme...<br /> <br /> Mince, excusez-moi, c'est tellement bien écrit que j'ai crû que c'était du vécu...Ceux qui me connaissent savent bien que mes articles et coms ont toujours une parcelle de vérité....
J
Ou comment dire des histoires qui arrivent tous les jours, malheureusement...<br /> Une histoire douloureuse mais bien ecrite.
C
J'ai bien aimé l'écriture et le sujet, très bien posé à mon avis : on voit ces deux femmes assises, on imagine un cadre rural, ou un lieu triste et rude. Tu dresses les lieux et les êtres à merveille ici ! <br /> Il me semble que la dernière phrase aurait pu être allégée et être moins explicite.<br /> Bravo encore Brie
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