La maison vide (Christine 2)
Elle a fait une dernière fois le tour de la maison où raisonne encore l’écho de leurs dissensions, éteint la dernière braise dans la cheminée, réduit en cendres leurs vies si vite consumées. La lumière ne rentrera plus dans leur chambre sur ce nid d’amour témoin de leur repos si tendre. Ne plus se retourner, ne plus revenir. Jamais. Sur leurs jours heureux, la porte va se refermer. C’est comme une nausée où le dégoût se mélange avec un peu de haine. Cette frénésie impatiente de devoir tout quitter lui en a fait oublier son blouson posé dans l’entrée.
Les boutons des rosiers plantés à la fraîcheur de l’aurore viennent d’éclore. Ils auraient été magnifiques les rosiers cette année. Comme le charme majestueux du châtaignier portant l’exhalaison des résédas et du tilleul et la grâce de la glycine tombante en deuil. La voisine d’à côté s’est gentiment proposée de récolter les tous premiers fruits du verger. A son départ, elle a prévu de lui laisser les clés pour qu’elle puisse continuer à les ramasser. Puis aussi, de penser à prendre le reste de bois coupé qui est sous la bâche depuis l’hiver dernier.
La grille celle du bout de l’allée est rouillée. On ne peut plus l’ouvrir, la serrure est cassée abîmée probablement avec l’usure du temps. Il parlait de la repeindre, il y a plus d’un an. Depuis, la mauvaise herbe a poussée dans les pavés, il n’a même pas pris le temps de désherber. Elle a nettoyé le salon de jardin qu’elle a rangé dans ce petit cabanon aménagé pour ses jours de quiétude après le déjeuner ainsi que la nacelle où il aimait se reposer. Elle devait y faire le ménage un de ces jours. Tant pis. Ca n’a plus d’importance.
Pour la dernière fois, elle a tenu à retourner comme une absolution, où il y a ce rocher et le château en ruines où ils se sont rencontrés. Là, le temps lui fait oublier qu’elle l’a aimé. Ce fut à cet endroit, précisément en haut de cet escalier de bois aujourd’hui vermoulu qu’il lui donna solennellement les clés de la maison.