La quête (ilescook)
Elle remonte le fleuve peu à peu. De sa queue gracile, elle ondoie dans le fleuve Roi, sa longue chevelure se déploie tel un drapeau.
Elle a trouvé l’embouchure à Port-Saint-Louis-du-Rhône… un coup de hasard… voilà des jours, des semaines, des mois, des années, des siècles sans doute qu’elle nage entre deux eaux, avec pour toute compagnie les dauphins, les mouettes et les poissons volants.
Elle en a croisé des bateaux, elle en a croisé des îles, elle en a croisé des ports.
Jamais elle ne s’est arrêtée… une fuite… une fuite éperdue… mais que fuyait-elle donc ?
Elle a beau essayer se rappeler, tout est si loin… elle a tant et tant nagé. Tant de lunes se sont reflétées sur l’eau, tant de soleils ont éclaboussé la mer avant de s’y plonger.
Et voilà, il y a là quelques jours, tout a changé. Elle a cru reconnaître une odeur, un rivage ? Elle a vu des flamants roses survoler le ciel, leur long cou déchirant le ciel…. Elle a senti l’odeur des marais…
… et les souvenirs sont remontés à la surface comme des bulles légères…
… un escalier, une rampe en ogive, et son père menaçant en haut, la chassant après la découverte de son Amant dans sa chambre…. Elle a couru … et s’est cachée dans le fleuve pour échapper au couvent promis… et là le grand trou….
Elle a roulé, tourbillonné, les anges l’ont emmené, profond, toujours plus profond. Au fin fond de la vie, à la limite de l’inconnu, de l’autre rive.
Jusqu’où a-t-elle parcouru le chemin de l’au-delà ? elle ne sait pas. Mais un jour elle a repris conscience sur un rocher… Sauvée. Elle était sauvée. Quel prince des eaux ou quelle fée ondine lui avait permis de survivre ? Et depuis, telle un poisson, elle nage dans un rêve de quête éternelle.
Elle remonte le courant petit à petit. Le beau fleuve a bien changé, elle a été surprise par les écluses… par les flaques noires, les détritus… et cette odeur qui n’était pas du tout celle de ses souvenirs…
Mais son instinct la guide, c’est là.
Au détour d’un méandre, elle aperçoit enfin… les escaliers, la rampe en ogive, la bâtisse derrière. Péniblement elle se hisse sur la rive.
- Me voilà dit-elle
En haut de l’escalier, diaphane, lumineux, beau comme un Dieu, il est là son Amant.
Il descend vers elle, les yeux dans ses yeux et..
il lui donna solennellement les clés de la maison.