Un dernier été (Vertumne)
« Mais pourquoi cet abandon ? » lui demandait-elle, devant ces pierres grises, ces haies trop touffues. Lui ne répondait pas, ne savait pas quoi lui répondre. Ils étaient arrivés par l'allée bordée de peupliers. Lui se souvenait :
« Enfant, tous mes étés je les ai passés ici. Mon grand-père venait nous chercher à la gare avec sa vieille calèche attelée de deux chevaux roux, les roues et les sabots crissaient sur le gravier, couvrant nos rires et nos impatiences ».
Là, ils étaient devant ce qui avait été un portail, quelques moellons s'étaient descellés des piédroits lorsqu'on avait subtilisé les vantaux grillagés que l'on retrouverait peut-être dans quelque brocante. Plus loin, entre les branches déjà sèches, la maison, volets clos – en quelques endroits remplacés par des planches hâtivement clouées –, sa terrasse lézardée et le petit escalier menant à l'atelier, sur lequel ils jouaient autrefois, appuyés à la rambarde comme sur le pont d'un vaisseau en partance. Et c'était comme si les voix revenaient, en un lent crépuscule, lorsque les martinets s'envolent pour aller s'endormir au-delà des nuages, ces voix d'adultes assis sous la tonnelle dans des fauteuils en osier, parlant bas de choses que l'on ne devait pas comprendre.
« Tout ça ne m'explique pas cet abandon… » insista-t-elle. Il ne l'expliquait pas, mais il lui raconta ce dernier été, celui de la vente, la visite de cet homme venant briser son enfance, à qui son grand-père donna solennellement les clefs de la maison.