la clef du passé (Fabeli)
Simon défit les boutons de son par-dessus et avança dans le couloir.
Son père avait entendu le bruit de la porte d’entrée.
-J’arrive ! Lança t-il du haut de l’escalier. Je ne te propose pas un café, tout est rangé.
Simon entra dans la cuisine d’un pas lent, et en fit le tour. Posant les yeux sur la table patinée par le temps, il retrouva l’émotion des petits déjeuners familiaux.
Cinq à table, sans compter sa mère qui avait pris plus tôt son café, afin de pouvoir ensuite s’occuper de chacun. Ici, son père, attablé devant l’assiette de soupe épaisse qui lui tenait lieu de premier repas de la journée, avant de rejoindre ses ouvriers à la menuiserie. Là, ses sœurs et son frère, qui se chamaillaient entre deux gorgées de chocolat chaud. Et sa mère, debout, préparant les légumes pour la soupe du soir.
Simon sourit en évoquant les bruits familiaux de ces instants partagés. Eclats de voix, bruits de cuisine, la radio pour le premier bulletin d’information de la journée. Lui qui rêvait déjà de silence, souffrait alors de ce brouhaha matinal. Mais à présent, seul dans cette cuisine, il ne pouvait que regretter ce temps d’enfance.
Le pas boitant de son père le long de l’escalier dissipa sa rêverie.
- Voilà. Je suis prêt. On peut y aller.
Simon se figea un court instant, comme s’il répugnait à engager les actions qui devaient suivre.
Saisir la valise, aider son père à monter en voiture, le conduire à la maison de retraite, où l’attendait le minuscule studio qui lui servirait à présent de résidence.
Il fallut le bruit des clefs pour le sortir de son immobilité. Son père avait saisi le trousseau de la maison. Toute une vie résumée par une dizaine de morceaux de métal bruyants. Simon regarda son père, parvint à lui sourire. Il souleva la valise et sortit le premier. Son père le rejoignit sur le perron, tira la porte derrière eux et se tourna vers Simon.
-Voilà pour toi, fils, dit –il en s’engageant sur la première marche de pierre.
Et il lui donna solennellement les clefs de la maison.