Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Paroles Plurielles
16 octobre 2007

Un pas... du tout ! ( Ello4vents )

Il aura fallu cinq ans. Cinq longues années de patience, de départs et de retrouvailles, cheminement l'un vers l'autre. Cinq belles années d'amour. Merveilleuses et terribles quand on n'a plus vingt ans.

Mais ils y sont parvenus. Ils sont réunis et plus rien ne pourra les séparer. Les amis sont là pour célébrer ce moment. Les amis d'aujourd'hui, ceux de leurs années de traverse.

Il a tout prévu. Pour qu'ils n'oublient jamais ce jour. Pour qu'elle ne puisse pas oublier. Il la connaît. Il sait les effilochements de sa mémoire, ses oublis involontaires, la petite mort de ses souvenirs. Il a tout organisé, tout voulu de cet instant, là dans ce décor automnal où le pourpre des feuilles se fait écho de leurs humeurs baroques. Pour l'impressionner. A jamais.

Lui qui ne sait rien cacher a tenu secret tous les préparatifs. Jusqu'aux détails de sa tenue, qu'elle a découverte au matin, stupéfaite par l'audace de la robe, la hauteur vertigineuse des talons, l'absence de dessous. Sauf ce corset qui marque trop fort sa taille sous le fourreau. Et lui coupe le souffle maintenant.

Elle se tient en haut des marches. Là où il lui a demandé d'apparaître. Il l'attend en bas, un peu en retrait. Ils l'attendent tous. Silencieux. Elle va descendre vers eux. Chaque pas sera une épreuve, un souvenir de chair et de muscles, tendus par l'effort sur les pierres lissées par les intempéries. Un souvenir qu'elle ne pourra plus arracher à la mémoire de son corps. Elle fait un pas, un peu hésitant. Sa respiration se crispe, le mollet tremble. Elle sourit pourtant. Elle vient. Une marche après l'autre. Dévoilant ses jambes, et plus que ses jambes à chaque pas. C'est pour lui qu'elle descend. Elle sent leurs regards, et ne voit que ses yeux qui l'espèrent.

Ne pas tenir la rambarde de fer forgé, ne pas s'accrocher. C'est ce qu'il a souhaité. Descendre fière. Confuse de tant donner d'elle dans son pas de funambule. Son « oui » total.

Lorsqu'elle arriva, froissant le tapis craquant de feuilles, il s'avança, lui prit la main. Il lui donna solennellement les clefs de la maison.

Publicité
Commentaires
E
Merci Virgul d'avoir goûté cette "étrangeté"... liberté est laissée au lecteur de tisser son réseau d'hypothèses... mais peut-être a-t-il (aussi) tout décidé parce qu'"elle" n'est pas vraiment en état de le faire...<br /> <br /> Ce qui m'amène à te répondre Ilescook ; la "vedette" n'est peut être pas si âgée... disons que j'ai imaginé un couple d'âge mûr que la vie aurait tenue éloignée et qui ne sont réunis que le jour où "elle" est atteinte d'une de ses maladies de la mémoire si mal connue encore.... un peu comme dans le merveilleux film de Zabou Breitman "Se souvenir des belles choses". C'est ce que m'a évoqué cette jolie balustre rongée par la rouille... le délitement de la mémoire... Et voilà mes secrets (un peu) dévoilés ! sourire Et GRAND merci.
I
Très beau texte.. mais je n'ai pas situé l'âge de la "vedette".. <br /> <br /> "Il sait les effilochements de sa mémoire, ses oublis involontaires, la petite mort de ses souvenirs.".... amours comme les vendanges, tardives à l'heure de la vieillesse ?
V
Zut, j'avais oublié de dire qu'en relisant, le titre est vraiment terrible !
V
Un beau texte, que j'ai relu pour encore apprécier. J'ai également ressenti le malaise qui vient du fait qu'il a tout décidé pour elle et qu'elle s'y conforme "étrangement".
E
Bonsoir à vous,<br /> Janeczka : j'aime jouer sur les atmosphères "border line" et sur la part d'ombre du récit (ou des êtres). sourire<br /> Heureuse que cela ait fonctionné en tout cas !<br /> <br /> Merci infiniment Coumarine pour l'accueil ! Et tu mets le doigts exactement là où la contrainte des 2000 caractères max m'a fait le plus mal : la respiration du récit, la tension dramatique que je voulais maintenir... il m'a fallu couper (merci Pati ! sourire)sans trop entamer le rythme, mais j'adore cet exercice de contorsionniste !<br /> Il me tarde la nouvelle consigne maintenant que je suis entrée chez vous.... et d'oser commenter les autres ! sourire<br /> Merci encore pour ce lieu vivant et vivace !
Publicité