4. Défi d’Agora (Cassymary)
Mauvaise surprise, le quai du métro est noir de monde !
Je m’avance au milieu de cette foule compacte, les yeux fixés sur cette affiche.
Elle est placardée sur le quai d’en face. Une photo d’un bâtiment futuriste.
Fixer ces centaines de fenêtres. Les compter. Ne pas réfléchir.
Je tremble. Ne pas flancher.
Compter les fenêtres. Compter.
Je commence à avoir des difficultés à respirer.
Non! Lutter. Ne pas la laisser s’emparer de mes pensées.
Compter les fenêtres. Compter.
Mes jambes flageolent, mes muscles se tétanisent.
Fixer l’affiche. Compter les fenêtres. Compter.
Le métro n’arrive pas. Les gens s’agglutinent. Le danger se rapproche.
Compter les fenêtres. Bon dieu ! Compter. Ne pas se déconcentrer.
J’essuie mes mains moites sur mon jean. J’ai chaud. J’étouffe.
STOP ! Fixer les fenêtres. Compter. Merde ! Compter. Compter!!!
Ils lisent leur journal. Ils discutent par petit groupe. Ils rient. Ils parlent fort.
Ne pas les écouter. Compter.
Ne pas les regarder. Compter.
Je me balance d’un pied sur l’autre.
J’ai mal au ventre. J’ai mal au cœur.
Compter les fenêtres. Bon sang, compter !!!!
Le dégoût monte à mes lèvres.
Ne pas y penser. Compter les fenêtres.
Respirer lentement. Respirer et compter.
Ne pas se déconcentrer.
Je n’y arrive pas. Je n’y arrive plus.
Je ne les vois pas. Je ne les entends plus.
J’arrive plus à compter. Les fenêtres d’en face. J’y arrive pas !!!!!
Les images se voilent, mes pensées se troublent.
Une petite mort s’installe, insidieusement, irrémédiablement.
Ne pas mourir, ne pas y penser, ne pas le désirer.
Fuir !
Echec !
Le métro arrive. Je suis loin déjà !