16. Une question de vie ou de mort (Vagant)
Mauvaise surprise, le quai du métro est noir de monde ! Je dois
pourtant prendre la première rame qui se présente. C’est pour ainsi
dire une question de vie ou de mort.
Elle
arrive bourrée comme une bavaroise à la fête de la bière. Tant pis, je
joue des coudes pour m’en approcher, être le premier à m’y enfoncer,
comme une brute. Elle se traîne jusqu’au bout du quai, s’arrête enfin,
semble hésiter, et elle vomit sur le quai un flot de voyageurs
exténués. Elle en ingurgite aussitôt une autre rasade dont j’ai su
faire partie.
Elle m’éructe à la station Wagram. J’ai 35 minutes
pour trouver une bouteille de champagne, un plateau de petits fours, et
l’hôtel Mercedes à la façade Art Déco et aux vitraux géométriques.
Hôtel de charme côté face. Cathédrale de luxure côté pile. 40 minutes
plus tard, je monte les escaliers quatre à quatre jusqu’à la porte de
ma chambre. Toujours la même, curieusement, comme si je faisais du sur
place. Comme en art, le renouveau n’est qu’un éternel recommencement.
Je
me déshabille intégralement. Une douche, une goutte de parfum… et je
réalise que j’ai oublié un élément fondamental de mon scénario : le
bandeau ! Tant pis, j’en improviserai un avec une serviette de bain. Je
retourne dans la chambre, j’attache le bout de mon ceinturon à la tête
de lit et je forme un nœud coulant avec la boucle.
C’est maintenant
l’instant crucial : j’ai 5 minutes pour ouvrir la porte de la chambre,
la laisser entrebâillée, m’allonger dans le lit, nouer la serviette
autour de ma tête, glisser mes mains jointes dans la boucle du
ceinturon et tirer un coup sec.
Voilà. Mes poignets sont pris. Il ne
me reste plus qu’à l’attendre. Oh, je n’ai pas peur de rester accroché
là si elle ne venait pas : je pourrais me détacher tout seul sans trop
de difficulté. J’ai simplement peur qu’elle ne vienne pas, tout comme
j’appréhende son arrivée. La tension monte, impérieuse, dans tous mes
membres, tous… Ça y est ! Ma tortionnaire vient d’entrer ! À moi la
grande vie et la petite mort.