32. La course (Fabeli)
Mauvaise surprise, le quai du métro est noir de monde ! Jean s’affole.
-C’était pas une bonne idée, Marc, je l’avais bien dit…
Pour couper court à ses jérémiades, je le fusille du regard Ce n’est pas en jacassant que le colis sera livré à l’heure. A grands coups d’épaules et de « pardon » énergiques nous infiltrons la foule. Dans mon sillage, Jean reprend sa litanie.
-Un taxi, on aurait dû…
Un regard noir et il ferme son clapet.
Déjà, nous avons perdu un temps précieux à l’appartement. Les renseignements de Léa étaient faux. L’objet ne se trouvait pas dans le tiroir de la table de nuit. Bien sûr, Jean s’affolait et piaillait en tout sens. Moi je réfléchissais avec méthode au problème. Se mettre dans la peau de Léa. Quels avaient été ses gestes ce matin ? Se lever, déjeuner, la cuisine…Rien. Le séjour, les toilettes…Toujours rien. Ah !La salle de bain, Bingo ! Là, sur la tablette, entre le verre à dent et les flacons de parfum. Et Jean qui gémissait toujours en cherchant sous le lit !
Nous avons dévalé les escaliers, couru jusqu’à la bouche de métro.
Jean serrait dans ses doigts la précieuse boite. Pas question de la perdre dans la foule.
La rame est là. Vite, je saisit la manche de Jean, sa cravate est en vrac, on verra ça plus tard.
Dans dix minutes, nous traverserons le péristyle de la mairie. Les invités sont arrivés.
Léa est là, elle attend, illuminée par les rayons du soleil couchant dispersés par le vitrail. Ce vitrail monumental qui surplombe le bureau de l’état civil, j’en connais les moindres couleurs, les plus infimes détails. Je le restaurais, voilà un an, lorsque, perché sur mon échafaudage, j’ai vu apparaître Léa. Comme aujourd’hui, le soleil traversait les carreaux sertis de plomb et c’est un ange auréolé de lumière que j’ai vu s’avancer vers moi, un ange adorable. Mon ange. Mon amour.
Mais je ne suis plus son amour. Je suis juste son ami et son témoin. Le témoin de son mariage avec Jean.