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Paroles Plurielles
27 octobre 2007

37. Oubli (Jujube)


 

Mauvaise surprise, la station est noire de monde. Fatou n’avait pas prévu cette foule qui se presse dans le hall de la toute nouvelle station Bofil, au pied des immeubles de la Défense, tous ces visages tendus vers les hauteurs du grand dôme qu’escaladent des verrières sophistiquées ; ils guettent les mouvements alternés de leur paupières métalliques qui filtrent air et lumière au gré du soleil et des nuages, coulissant silencieusement de côté, de biais, de haut en bas, dociles au caprices du temps. Comme tous ces badauds, Fatou s’y laisse fasciner, emplit son regards de ces glissements souples et sensibles, essaie de capter un rythme secret : une embellie, et les fenêtres se rétractent en étroits polygones ; un assombrissement, et elles s’épanouissent, livrent le hall à la lumière que tous semblent boire autour d’elle. On dirait qu’ils se sont rassemblés pour un culte étrange qui inspire les visages, les vidant de méfiance, délivrant un rêve commun en attente. Fatou se sent bien dans ce partage, ne pense plus au métro dont une rame vient de repartir presque à vide.

 Quand une main se pose sur son épaule : « Contrôle d’identité, montrez-moi vos papiers s’il vous plaît. » lui dit le policier. Elle n’en a pas. Elle allait déposer son dossier à la préfecture.

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Commentaires
I
Quelle triste désillusion pour cette Fatou qui avait vu des merveilles dans cet enchevêtrement de vitres et de montants..<br /> <br /> La triste réalité hélas la rattrape.<br /> <br /> Merci pour cet hommage
J
le rêve fugitivement partagé et ces verrières sensibles ouvrent sur les possibles d'une harmonie...mais on n'y est pas tout à fait encore: fatou existe dans notre vie ordinaire, je voulais lui rendre cet hommage car elle est solitaire et "oubliée", justement. La chasse au migrant, ça existe; après, on n'est pas obligé d'en penser ce que j'en pense.Merci pour vos commentaires!
P
je me sens assez d'accord avec Matarjeu. Les dernières lignes n'étaient peut-être pas indispensables.<br /> Mais, La description si fine et si juste des univers de béton, mais aussi de la transparence des fenêtres demandaient s ans doute de trouver le lien entre un décor, et la vie, et la violence que l'on rencontre dans certains univers. " vos papiers s'il vous plait" illustre cela... Mais, j'en suis certaine, Fatou, va s'en sortir!
M
La description est si belle que les 3 dernières lignes me paraissent superflues... C'est changer d'univers, ce qui n'est peut-être pas nécessaire puisque le texte n'a pas besoin de chute (à mon humble avis du moins !)
A
Excellente description : les immeubles de la Défense s'y prêtent tout à fait !<br /> Dommage que la fin soit si triste : mais espérons...A la Defense il y a un pouce levé, non ?
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