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Paroles Plurielles
8 novembre 2007

Pour quelques biscuits (Anne Bonaventure)

Tante Babette prit une profonde inspiration et un sourire apparut sur son visage si souvent fermé. Elle venait de retrouver sa fiche intitulée :  « prachniklechs » - traduction : sablés au pavot noir.

Cette recette elle devait l'avoir écrite il y a bien une soixantaine d'années, juste après son installation à Paris. Ce fut pour elle comme un lien avec sa maman : ces quelques recettes polonaises. Un souvenir
d'un autre temps d'une autre histoire d'une autre vie d'une autre.....

Bien tout était à sa place sur le plan de travail de la cuisine : farine, sucre, beurre ramoli, 1 oeuf, et 50 g de pavot et bien sûr du sel.

Mais ce dont elle essayait de se souvenir oui c'est qui elle avait bien  pu inviter pour les déguster ces petits sablés. Pierre son petit-fils, Jules son père oui le père de Pierre, non Jacques : mais qui est Jacques? Elle avait sa liste sous les yeux : tous les noms et prénoms de ceux qu'elle cotoyait.

Ah oui – non – mais oui elle devait bien les faire ces biscuits. C'est sûr. Oh et puis sa tête lui faisait mal. Qu'avait dit le docteur : pas d'énervement, elle devait participer aux activités proposés à l'hôpital de jour.
Mais quel jour était-ce ? Son mari était parti faire les courses, oui, il lui avait dit elle se rappelle maintenant qu'il allait chez le pâtissier celui de la rue des Rosiers, celui qui fait si bien les « prachniklechs » à moins que ce ne soit les « oumentaschen » ou les « kirelechs ». Peu importe faut qu'elle fasse ses biscuits. Mais où est la recette ?

Chéri, chéri où est la farine?

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Commentaires
A
Il y a dans ce texte beaucoup de tendresse à mes yeux et c'est ce qui le rend si émouvant. Tu nous permets d'entrer dans la tête de quelqu'un qui n'a plus toute sa tête. Et qu'y découvre-t-on? Tout ce qui lui a fait tenir sa vie: les personnes qu'elle a aimées.<br /> C'est peut-être à cause de ce total respect que les commentaires ne se sont pas préciités, au début du moins.
S
Tous les textes qui sortent ici sommeillent au fond de nous et émergent tôt ou tard, qu'on le veuille ou non !<br /> Je suis d'accord avec Coumarine qui dit que ce ne sont pas toujours les meilleurs textes (d'un point de vue littéraire) qui recueillent le plus de commentaires.<br /> Celui-ci est touchant en profondeur.
B
J'avais presque oublié que j'avais écrit ce texte puisqu'il a mis plusieurs jours à apparaitre ici, et puis j'ai été absorbé par d'autres occupations. <br /> Je vous remercie pour vos commentaires qui me touchent, vous réagissez chacun à votre manière et c'est ce qui est le plus enrichissant; merci encore.<br /> Il est vrai que cette maladie nous entoure ou nous touche directement dans nos familles.Dès que j'ai lu l'incipit l'histoire m'est apparue je n'ai eu qu'à l'écrire.
I
Texte émouvant bien sûr... et bien ecrit !<br /> <br /> Qui nous touche au plus profond de nos peurs.
A
Ici, il n'y a pas que la maladie, il y a aussi l'attentat de la rue des Rosiers, la particularité de la cuisine ( et culture, oserais-je le dire ) juive. Beaucoup de choses sont suggérées.<br /> C'est en cela que ce texte est remarquable: le ressenti, le non-dit...<br /> Tout un art !
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