17_Vers l’autre rive (Virgul)
Je n’ai pas mis les bonnes chaussures ce matin. Il fait plus froid que je ne le pensais.
Le soleil trop bas paresse encore et ses rayons peinent à adoucir l’air glacial et piquant.
Je traverse souvent cette passerelle, à toute heure du jour ou de la nuit, c’est selon.
Je connais tous ceux que je croise, bien plus qu’ils ne l’imaginent !
Comme Valérie, qui vient de passer et qui, trop pressée ce matin, a fait un shampoing sec plutôt qu’un brushing.
Et le petit Julien devant moi. Ce n’est pas son cartable trop lourd qui lui voûte les épaules, mais hier soir il a préféré son Nitendo à son devoir de maths et il va se faire gronder. Par Elodie, son institutrice. C’est son anniversaire aujourd’hui à Elodie. Julien a de la chance, elle sera moins sévère.
Sylvain, le garagiste, en grande conversation avec André.
Il en fait trop André, j’irai d’ailleurs le voir lundi prochain. Sa boîte marche du tonnerre, Président de son Club, il fait aussi de la politique et bien sûr, André a une maîtresse, Claire, jeune juriste, belle et ambitieuse.
Tiens, voilà madame Babette, celle qui vend des madeleines ! Toujours bon pied bon œil et d’humeur aussi douce que les biscuits qu’elle vend.
Je les connais tous et eux pourtant ne me remettent pas.
Notez que je les comprends.
Ce matin, c’est chez Gaspard que je me rends.
C’est toujours le même scénario, avec les précédents aussi, toujours pareil.
J’ouvre la porte, je dis « bonjour Gaspard, c’est l’heure », et là, les yeux tout ronds, dans un regard d’effroi, le dernier, Gaspard me reconnaît.