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Paroles Plurielles
21 novembre 2007

23_Le petit bonheur (Lorraine)

Je n'ai pas mis mes bonnes chaussures ce matin. J'ai laissé ma voiture juste avant le pont, mon bureau d'architecte est de l'autre côté et je porte mes souliers bruns en veau fin, souple, des souliers d'homme élégant, quoi! Je chantonne aussi à bouche close:

«C'est un petit bonheur que j'avais ramassé, il était tout en pleurs
sur le bord d'un fossé.

Ca tourne dans ma tête. Il fait un de ces soleils d'automne à vous coller l'envie de tout plaquer, de vous envoler par-dessus les arbres et de planer, loin. Alors, j'ai bifurqué, oui, d'un coup, comme ça sans me consulter vraiment, j'ai quitté le trottoir et coupant à travers une prairie, je suis parti vers le sous-bois dont je vois la cime se balancer. Une envie folle d'odeurs humides, de sentiers détrempés, une envie d'étang boueux et verdi. Et toujours cette rengainedu «P'tit bonheur». Je marche. J'aurais dû mettre mes basketts. Mais je suis bien. J'entends le rare appel d'un corbeau, le doux grésillement d'un écureuil discret, la voix plaintive  d'une fleur. Une fleur?... Une fleur d'automne comme je n'en ai jamais vu.

Assise au bord de l'eau, sa corolle de pétales jaunes humides de brume, elle a les larmes aux yeux. Enfin, c'est incroyable, une fleur ne parle pas! Mais elle insiste, elle dit:

        «Monsieur, emmenez-moi, chez vous emportez-moi»...

Je me secoue: impossible, ce sont les mots de la chanson, elle ne peut pas savoir que je la fredonnais, elle est sorcière, cette fleur! Une fleur?..

Alors, j'ai bien regardé. Non, c'est une toute petite femme triste, haute comme une tige, qui tend vers moi des bras de verdure, des yeux de myosotis. Agenouillé près d'elle, dans le chemin détrempé, je l'ai prise dans ma main. Elle a souri, s'est assise dans ma paume, puis, couchée en rond, comme un chat, elle s'est endormie.

Je l'ai emportée dans la poche de mon veston. Nous allons nous marier. Demain, je la présente à ma mère. Elle sera contente.

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Commentaires
S
J'aime surtout la deuxième partie et la fin sauve le tout !
A
Joli conte, Loraine, mais tu as oublié la fin : quand il la couche dans son lit et lui donne un baiser sur le front, elle devient une jeune et jolie jeune fille...<br /> <br /> Juste ?
L
Cher Largo, te connaissant, je sais que tu n'auras aucune peine à cueillir en chemin un "petit bonheur" à glisser dans ta poche...<br /> <br /> Amitiés
L
Merci chère Lorraine pour ce petit vertige au bord du rêve dans la prunelle de la jeune femme aux yeux myosotis.<br /> Amitiés
L
BRIGETOUN,<br /> BRIGOU,<br /> <br /> Merci d'avoir laissé un gentil com sous cette fable!
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