14. Délation (Christine 2)
Monsieur le Feldgendarme,
En bon citoyen français et bon Pétainiste, je vous demande de prendre en considération cette lettre. Je dénonce par la présente le comportement inadmissible de certains de mes concitoyens. Bien évidemment vous comprendrez mon intérêt à respecter mon anonymat …
En effet, Monsieur Leblanc militant est membre actif dans le combat clandestin dès 1940. Sa fille Odette sténo dactylo y a également adhéré. Son métier lui permet aisément de voler l’encre servant à écrire les tracts tapés sur une ronéo dans l’imprimerie de Léon et comme elle s’en va très tôt le matin, elle emporte avec elle des liasses de l’Humanité. Elle sert aussi de relais boite à lettres, recherche des cachettes afin de planquer les combattants clandestins, fait franchir la ligne de démarcation en aidant des prisonniers évadés, des israélites, des résistants chassés par la Gestapo à passer en zone libre. Elle a pris une fausse identité. Son frère Jean a rejoint la Résistance Il fait parti des Francs-tireurs et Partisans et se livre à des actes de sabotage. En promenant mon chien dans le bois de la Ferrière, je l’ai identifié clairement. Il sortait de la clairière après y avoir déposé une caisse contenant des armes et explosifs.
Madame Doret fait dans le marché noir dont elle n’arrête pas de se vanter. Récemment elle m’a éconduit après lui avoir demandé de me vendre un lapin. Il reste monsieur Martin. Lui, cache son fils dans sa cave car il ne daigne pas intégrer le S.T.O et Monsieur Maurain, très friand d’art est propriétaire d’authentiques fresques dont aucune ne semblent n’avoir été référencées dans vos services.
Monsieur le Feldgendarme, je vous remercie de l’attention portée à ma lettre. En ces temps de privations, même avec les tickets de rationnement il est difficile d’alimenter une famille avec six enfants. A ce que je sais, je m’autorise à penser vous, autorités compétentes, offrir X francs par tête en récompense.
Dans cette attente, je vous adresse mon profond respect.