31. A Vincent (Amanda)
Mon cher Vincent,
Le vernissage de ma dernière exposition à Giverny m’empêche de répondre à votre aimable invitation.
Certes Arles et St Rémy m’attirent…
Et je serais ravi d’admirer vos dernières toiles, sans être certain de les comprendre…
Je ne vois pas bien le sens de votre « Café dans la pénombre » ni l’intérêt de peindre des "Vaches dans le pré" encore moins ces minables champs de blé…
Et ces tiges penchant la tête vers le soleil, bonnes à jeter !
Enfin, passons, vous et moi ne sommes pas de la même génération…
Vous me dites vous être tranché l’oreille.
Accident, certainement ? Non pas ?
Décidément vous garderez éternellement votre caractère bien trempé !
Et ce geste insensé ne trahirait-il point l’excès d’absinthe ?
Le récent portrait de vous par vous-même témoigne clairement, mon cher Vincent de votre état pitoyable et de votre dégénérescence mentale !
Vos clients se font rares.
Ce n’est pas étonnant !
Ces lianes longilignes appelées « Iris »…
Et vos portraits ! Ah, vos portraits !
« L’Arlésienne », "La paysanne hollandaise"
Et ce médecin, "Gachet", payé de bien sotte façon !
Arrêtez vos délires, jamais vous n’accéderez à la célébrité !
Jamais vous ne serez un peintre admiré, respecté, adoré !
Vincent !
Faites comme moi
Soyez impressionniste !
Je vous l’ai dit cent fois : « Peignez des nympheas ! »
Votre ami,
Cl. Monet