19. Jeux de mains (Sherkane)
« J’ai bien fait le tour de la question, tu ne peux pas le garder avec toi. Tu dois le mettre
dans une institution spécialisée »
Marie ne dit rien. C’est à peine si elle a entendu son frère. Elle regarde son fils, planté sur
le coté de la fenêtre, face à la vitre ouverte, le corps immobile, l’air absent. Inutile de
l’appeler, de vouloir attirer son attention, elle sait qu’il ne l’entendra pas.
Son fils bouge. D’abord un doigt, puis deux. Il décrit des mouvements de plus en plus
rapides. Un sourire semble se dessiner sur son visage.
Intriguée, Marie va se placer derrière lui. Son fils vient d’étendre le bras, main en avant,
paume ouverte, doigts écartés. L’ombre s’imprime sur les persiennes entrouvertes. Une
main large aux doigts forts et aux ongles courts. Marie se rapproche encore, prenant soin
de ne pas toucher le jeune homme. A son tour elle lève le bras, et de l’ombre de ses
doigts, elle vient taquiner ceux de son fils sur les persiennes. D’abord immobiles, les
doigts du garçon commencent à bouger lentement. La mère et le fils entament alors avec
leurs mains, un étrange ballet sur les persiennes de la fenêtre.
Et puis, tout aussi soudainement, Marie voit son fils baisser le bras et se mettre à se
balancer doucement d’avant en arrière.