42. Flou: pas net. (Léa)
- J'ai bien fait le tour de la question, et je crois que c'est plutôt réussi, non?
- Je ne sais pas, c'est assez flou.
- Flou, flou, tu y vas fort! Comment oses-tu qualifier ça de flou?
- Eh bien, c'est vrai pourtant, c'est flou, ce n'est pas net, c'est abstrait, tu peux dire ça comme tu veux. Tout est flou, rien n'est net, on ne distingue rien de particulier mais on ne peut pas non plus en détacher une seule image. C'est étrange.
- Etrange me convient mieux.
- Et pourquoi? Flou n'est pas péjoratif, je peux te dire que je vois flou, sans pour autant que cela signifie que je n'aime pas cette drôle de sensation, me sentir nager dans des eaux profondes et bercer par le roulis des vagues.
- Oh arrête, ne pars pas là dedans, c'est fatiguant.
- Tu ne comprends rien à mon art, et tu te plains que je juge le tien?
- Je ne me plains pas que tu le juges, je me plains que tu ne l'apprécies pas.
- C'est de l'art! C'est normal qu'on ne l'apprécie pas tous de la même manière. Toi tu aimes cette photo parce que c'est toi qui l'as faite, que tu connais son histoire, celle de sa création, celle de son cadrage, et tout le reste. Moi je l'aime parce qu'elle est floue et qu'elle me rappelle les jours où j'oublie mes lunettes. C'est tout.
- Une main fantôme, c'est original, il a fallu capter le moment, il a fallu trouver la bonne luminosité pour obtenir les ombres sur les persiennes, il a fallu travailler tout ça pendant des heures, et toi, tu qualifies cette œuvre de flou?
- Oui. Quand tu lis Beckett, tu le qualifies bien d'absurde, alors à partir de là, tout est permis.