45. Quelque part en Campanie, le 9e jour avant les Calendes de septembre (Vertumne)
J'ai
bien fait le tour de la question, j'ai longuement hésité, je ne savais
pas trop… J'avais le temps, me direz-vous, toute l'éternité devant moi…
Sur
le moment, juste après la crémation, cela m'avait à peine effleuré.
Mais c'est en longeant le Styx, alors que je percevais déjà, au loin,
les grognements de Cerbère, que j'ai repensé à ces altercations parmi
les miens, querelles qui avaient ponctué la cérémonie et qui semblaient
vouloir tourner en de véritables invectives, alors que mes cendres
étaient à peine froides et n'avaient pas encore été déposées dans
l'urne. Pourquoi tant de nervosité ? Ils allaient s'entredéchirer,
c'était sûr. Ils allaient s'arracher mes sesterces et mes deniers, se
disputer mes fidèles esclaves pour les revendre au meilleur prix,
vilipender mes rouleaux de poètes grecs, que sais-je…
Aussi, avant d'atteindre les champs Elysées, j'implorai Pluton et Proserpine, qui permirent à mon âme de s'en retourner à Pompéi, de rejoindre mes Lares et de veiller ainsi sur ma famille. J'écartai alors le voile du péristyle, et me faufilai sur l'autel, parmi les statuettes. L'automne allait arriver, et il fallait que, dès le lendemain, mes gens retrouvent sérénité et douceur de vivre…