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Paroles Plurielles
22 janvier 2008

47.Perspectives tropicales (Caro_carito)

J’ai bien fait le tour de la question, tout soupesé, repensé : je gis bel et bien inanimée, là, sur le carrelage poreux. Dieu qu’il fait sombre. Il était pourtant à peine onze heures quand l’incident est arrivé.

Tout est entièrement de ma faute. J’étais furieuse contre lui. Je me revois, pauvre furie vociférante, essayant d’attirer son attention. Peine perdue, son regard m’indiquait qu’il avait déjà pris le large. En deux minutes, il avait rejoint le ponton et sauté dans sa vieille pirogue. Je savais qu’il reviendrait d’Apatou, les bras chargés de présents. J’ai assisté, impuissante, à son départ. La mince embarcation s’est engouffrée, en un instant, dans le trou de verdure aqueux qui mène au Maroni. J’étais seule, noyée dans ce trou luxuriant et humide. Je me suis alors précipitée dans notre maison et j’ai glissé.

J’espère que je n’ai rien. Je n’entends plus le ventilateur. Je tente de me relever. Il me semble que je m’arrache au sol. Les volets se sont refermés, un coup de vent sans doute. Je me dirige silencieusement vers la fenêtre. Ne pas oublier de lui dire de réparer la moustiquaire. Un trait de lumière traverse ma main.

Je me retourne. J’aperçois un corps allongé le long du canapé. Je glisse à nouveau un coup d’œil entre les persiennes, mes doigts transparents ne peuvent plus effleurer le bois écaillé.

Il devait être onze heures quand j’ai glissé, le sang bouillonnant. Et j’ai cessé de vivre.

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Commentaires
C
Le chien, j'avoue ne pas être calée en vitesse de pirogue guyanaise mais plutôt péruvienne... Mais j'ai des souvenirs de Cayenne et Manaus étouffants... (en transit) Je voulais surtout qu'il parte sans laisser d'adresse ni de date de retour... Comme un de mes oncles qui disparaissait. Voilà, il partait dans la forêt amazonienne, c'est tout, plantant sa famille.
N
Beau texte Caro. Les phrases courtes sont en harmonie avec le rythme rapide des pensées qui pourrait - mais on ne peut que l'imaginer - être le nôtre dans une telle situation.
K
Très belle atmosphère....Tu sais faire vivre les images Caro.
L
J'ai bien aimé ton texte, il se situe dans un lieu que j'ai bien connu, dans une autre vie.<br /> Si ton personnage se rend à Apatou en pirogue, je suppose que l'action se passe à St Laurent. <br /> Si mes souvenirs sont bons "en coque alu" ça faisait 2 à 3 plombes.<br /> Belle ballade…<br /> Cedo, boa viagem
V
Une atmosphère étrange et floue dans laquelle le personnage et l'auteur finissent par se confondre. C'est aussi çà la magie des mots.
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