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Paroles Plurielles
30 janvier 2008

21. Umutessi (Virgul)

« Mes biens chers frères », c’est ainsi que le père Paul entama son homélie dans la chapelle privée de la famille Dewit.

« Nous voici un an, jour pour jour, après la mort de votre père Antoine. Un peu avant sa mort il m’a fait promettre de vous lire une lettre qu’il avait reçue de quelqu’un auquel il tenait énormément. En voici donc le contenu. »


«  Antoine, je t’écris pour t’annoncer une bien triste nouvelle. Umutessi, ma mère, vient de nous quitter. Elle repose maintenant au pied de l’église de la paroisse de Butare. Elle y a vécu une vie digne, dispensant à sa famille et à ses proches un amour et un dévouement à la hauteur de sa grande générosité. Nous l’adorions tous et elle nous manque cruellement.

C’est un soir, alors que nous étions tous deux assis devant la case autour du feu, qu’Umutessi m’a parlé de toi pour la première fois. Elle cuisait les galettes de manioc pendant que moi je sirotais mon pombé en l’écoutant. Le crépitement du feu et les chants des criquets accompagnaient sa voix douce. Elle me racontait votre rencontre et comment, au travers de tes yeux, elle avait appris à encore plus aimer son pays, le pays des mille collines, le Rwanda. Elle me disait comment tu sentais les odeurs fortes et boucanées des brûlis, les parfums lourds de la papaye et du maracuja. Le bleu, pur et profond, du ciel en saison des pluies, la lumière éclatante à laquelle tes yeux bleu n’étaient pas préparés. La savane dorée de l’Akaghera qui ondoyait sous le vent chaud, la beauté gracile des impalas effarouchés.

Elle me racontait comment ces contrastes d’odeurs et de couleurs t’avaient émerveillé, et comment sa beauté à elle, Umutessi, s’inscrivait aussi dans ton regard. Jamais elle ne s’était vue aussi belle ni sentie aussi aimée.

Elle m’a parlé de toi, de ta vie en Europe, que tu étais un grand bwana d’une usine de bière et que tu avais cinq fils. J’ai aussi compris pourquoi ma peau était plus claire que celle de mes cousins. Antoine, maintenant que ma mère est partie, je pense avec nostalgie à mes racines et à mes frères. Leur as-tu dit que je m’appelle André ? »

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Commentaires
A
Ton texte est un régal pour les sens : on y lit la beauté de ce pays, hélàs si mal en point aujourd'hui, on y respire son odeur, on y voit ses habitants et le drame de leur vie...Tu sembles bien connaître cela.<br /> Ton écriture est belle.
O
Serait-ce une ambiance "pombé" ?
F
belle et triste histoire, fort bien contée.
C
Cela me rappelle un certain très bon temps...<br /> Ca a l'air du vécu! en senteur en couleur...
J
C'est tres bien ecrit. On s'y croirait...
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