14. La rédaction (Jay)
J’ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac.
Mon grand sac est plein de
cahiers à couvertures de différentes couleurs. Jaune pour les maths, vert pour
la géo, orange pour l’histoire et rouge, donc, pour le français.
« Pour le prochain
devoir de rédaction, vous devrez vous inspirer de cette photo », a annoncé
la prof, en distribuant à chacun une image représentant une chaîne avec deux gros
cadenas, attachant un portail en métal.
Elle a toujours été originale cette prof, mais là elle nous a bien surpris ! Tous les élèves poussaient des soupirs exprimant, au choix, l’incrédulité ou le désespoir devant l’épreuve difficile qui nous attendait.
Moi, j’étais perplexe. Mon imagination d’habitude si débordante ne semblait pas se déclencher. Un portail. Deux cadenas. Une chaîne... La chaîne semblait prendre la forme d’un cœur. Allais-je écrire sur les liens de l’amour ? Les métaphores se bousculaient dans mon esprit, mais aucune qui ne me convainque. Non, rien ne venait.
De retour chez moi, j’ai sorti mon cahier à couverture bleue de mon grand sac. Bleu, c’est pour l’anglais. Je devais revoir ma leçon pour l’interro du lendemain mais impossible de me concentrer : l’image du cadenas revenait sans cesse dans mon esprit.
J’ai refermé mon cahier bleu, j’ai regardé par la fenêtre... et c’est alors que j’ai eu L’Idée.
Comme ça, spontanément, elle s’est imposée à moi et m’a ordonné de me saisir de mon stylo. C’était parti, rien ne pouvait me retenir. Je la tenais cette rédaction ! Frénétiquement, je noircissais les pages de mon cahier à couverture rouge. Fébrilement, j’hésitais entre deux adjectifs. Tantôt je souriais de telle touche d’humour que j’insufflais à mon récit, tantôt je sentais un petit frisson d’émotion me monter à la tête.
Oui, j’avais enfin trouvé le code qui ouvrait le cadenas, qui libérait le portail de mon imagination de ses chaînes. Et qui en ouvrait grand les portes.
J’ai mis le point final à ma rédaction, j’ai ouvert la fenêtre et j’ai respiré un bon coup.