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Paroles Plurielles
14 février 2008

27. La clef dans le cahier rouge (Souliers vernis)

J'ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac.   Il y a toute ma vie dans mon sac. C'est quelque
chose de l’ordre de sa coquille pour un escargot. Je ne me déplace jamais sans. Il est plein de mon essentiel.

Je suis là, avec mon cahier. Je le serre, je le caresse. Je touche le grain de cette couverture rouge qui m’est si familier. Le toucher de ce grain me rassure. La vue de ce rouge m’assure de ma présence au monde. Je suis là, avec mon cahier, devant la grille de cette maison qui m’est un jour devenue hostile.

Je vais, évidemment, entrer dans cette maison. Je n'y ai pas mis les pieds depuis plus de vingt ans. La dernière fois c'était pour un enterrement. La folie familiale s’y était une fois de plus déchaînée. Une fois de trop.

Nous avions tous une clé. J'ai toujours la mienne sur moi, au cas où. Le "cas où" se présente aujourd'hui,
par l'intermédiaire de mon mari. Nous sommes en vacances dans le sud de la France. Depuis plusieurs jours, nous sillonnons la région.

Alors, je vais entrer. Bien sûr. Je ne vais pas reculer. Je sens le regard de mon mari, posé sur moi, alors que j’ouvre mon cahier à couverture rouge. C’est un regard tendre, et inquiet, plein de sollicitude. Mon mari connaît les larmes et la colère qui ont, tant de fois, suivi la simple évocation de cette maison familiale. « La villa » disait ma grand-mère. Maison en carton-pâte à mes yeux d’aujourd’hui. Maison en carton-pâte qui abrite des souvenirs mensongers, en papier glacé.

Mon mari m’a conduite ici. J’ai cédé ce matin devant son insistance. Il souhaite me voir tenter une
réconciliation avec ce lieu, avec cette part de passé qu’il recèle et que je ne parviens pas à apprivoiser.

C’est sûr, je vais entrer. A l’intérieur de la couverture rouge, la clé de « la villa » est collée.
Je la prends entre mes doigts, je la glisse dans la serrure. J’espère secrètement que celle-ci a été changée. Je n’ai pas le temps d’espérer longtemps. La clé tourne et je pousse la porte.

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Commentaires
B
Intéressant ce texte ! Pénétrer dans une maison après tant d'années.. moi aussi j'aimerais connaître la suite. De même que la commentaire de Pivoine m'a interpellé sur la symbolique de la maison.. un sujet que j'aimerais approfondir o:))
P
Oui, et ce texte est très bien pensé. La maison est vraiment quelque chose de très, très symbolique, ici... Les maisons peuvent d'ailleurs préoccuper grandement les psychiatres, des bouquins ont été écrits sur les maisons et leurs fantômes (non pas les fantômes des manoirs anglais avec des chaînes...) mais les fantômes que nous transportons avec nous et qui logent tellement bien et pour tellement longtemps dans les maisons de notre enfance... En effet, il paraîtrait qu'il faut "vider" une maison de ses fantômes avant de la vendre... (Je parle sur le plan psy, bien sûr o;)<br /> <br /> C'est un sujet auquel je suis assez sensible...
A
Et ensuite ? On a envie de savoir, tu décris tout tellement bien,raconte encore !
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