29. De mon grand sac (Marie)
J'ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac.
Au loin, la mer. Regard vers l'horizon, impossible à discerner, ciel et mer confondus, bleus, gris, lumineux.
Bercement du ressac, doucement, va, et, vient. L'air marin enfle ma poitrine. Doucement il s'infiltre dans mon corps. Détente...
"J'ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac".
Je relis cette phrase. La première page du cahier à couverture rouge est blanche. J'ai commencé à écrire, puis ma main est restée en suspens. Emportée par la rêverie, emportée dans le paysage infini qui s'offre à mon regard...
J'ai pensé à ces mots, lus quelque part au cours de mes promenades internautiques...
"L'âme est une vague" disait il... (© alainX)
Vague à l'âme...
De mon grand sac, celui que j'emporte dans mes promenades, j'ai sorti mon cahier à couverture rouge, j'ai sorti mon stylo feutre noir à grosse pointe, j'ai sorti ma grande serviette bleue, je l'ai déroulée sur le sable blanc, j'ai posé le sac contre la barrière en bois, je me suis assise en calant mon dos, j'ai replié mes genoux, pour poser mon cahier ouvert sur mes cuisses...
De mon grand sac,il faudrait sortir autre chose. Il faudrait le vider ce sac, trop lourd de ce qui s'agite à l'intérieur de mon âme...
Il est remuant ce sac, en rangeant ce cahier rouge à l'intérieur, les mots qui étaient à écrire sont tombés tout au fond, et ne demandent qu’à ressurgir...
Le sac est fermé, la fermeture éclair jusqu'au bout.
Les mots barricadés. Comme si une chaîne s'était enroulée, retenue par un cadenas...
Mais j'ai perdu la clef.
Ces chaînes qu'on s'impose, inconsciemment dans nos cœurs, les mots qu'on dépose en cachette, parce qu'on ne sait pas les dire "en vrai" pour déverrouiller nos âmes...
Sur ce cahier à couverture rouge ces mots, là, une idée comme ça, mais qui ne se développe pas. Pas ce matin en tout cas.
L'esprit ici face à ce paysage, à ces mots que j'envoie ailleurs, et l'esprit ailleurs, à ces autres mots que je devrai dire ici. Vers justement ce qui se noue de plus de plus, s'enchaîne, mais je ne trouve pas la clef.