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Paroles Plurielles
16 février 2008

34. Le tour de clé (Caro_carito)

J'ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac. Respirer lentement, calmer le tremblement de mes mains. La grosse cloche de l’église venait de faire sonner sa voix éraillée. Sans succès, la rue était déserte. Le couvre-feu avait confiné les habitants à l’intérieur de leurs quatre murs.

Je m’étais faufilée au dehors en prenant garde de ne réveiller personne. Je portais l’uniforme des écolières de Santa Maria de Nuestras Gracias. Avec mes cheveux tressés qui pendouillaient sur mon dos, j’avais l’air d’une toute jeune fille qui rejoignait son bataillon d’éclaireuses.

Je calais à nouveau le cahier dans mon sac. Un rapide coup d’œil vers le square où somnolait un clochard et où venait de pénétrer un homme à l’âge incertain. Je vis bien deux ombres qui s’étreignaient, des amoureux sans doute ? J’accélérais le pas.

J’aperçus le vieux lampadaire, comme indiqué. J’y attachais ma bicyclette à l’aide de la chaîne et du gros cadenas que j’avais dérobés dans l’établi. Le temps avait filé si vite depuis le moment où une Carlita, fiévreuse, m’avait suppliée de la remplacer. A son regard cerné, j’avais su qu’il me fallait obéir. Je m’habillais à la hâte pendant que ma sœur récitait les instructions. Au sortir de la maison, l’urgence me saisit, la place San Roca était à quelques coups de pédale de l’appartement familial.

Je laissai mon vélo solidement arrimé au poteau de métal. Il me fallut deux minutes pour tourner au coin de la rue et déposer le cahier dans une boîte à lettres. L’angoisse me saisit seulement un peu plus tard. Alors que je tournais avec peine la clé dans le verrou, une longue voiture noire venait d'apparaître, glissant dangereusement le long du trottoir.

La grosse cloche fêlée se mit à appeler les fidèles. Alors que le véhicule aux vitres teintées s’approchait de moi, je me mis à trembler. Je fis alors ce geste d’enfance, un signe de croix.

Le cadenas tomba lourdement dans ma main, je le glissai dans mon sac.

L’ombre sinistre venait de quitter. Il était temps de rentrer.

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Commentaires
K
Tiens c'est drôle je ne le trouve pas mystérieux.<br /> Une résistance active à une oppression tangible....L'histoire de L'Amérique latine en filigrane.<br /> Ton texte est habité je te le dis à nouveau ici.
C
Merci Pivoine
P
Il y a évidemment beaucoup d'atmosphère dans ton texte, Caro. Et d'exotisme aussi. Très mystérieux, tout ça...
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