11. Alors ? Irrécupérable ? (Sherkane)
Il n'en a parlé à personne, pourtant il doit bien se l’avouer : il se sent un peu décalé dans le groupe qu’il rejoint à Paris une fois par mois pour écrire. Ses compagnons, tous parisiens, commentent volontiers les spectacles qu’ils ont vus ou qu’il faudrait aller voir : concerts, pièces de théâtre, expositions diverses ….
Le plus souvent, c’est de l’hébreu pour lui. Faut dire que ce n’est pas dans le village perdu au fin fond de l’Auvergne où il vit, qu’il peut avoir de telles sorties. Et puis, son truc à lui c’est le sport, les randonnées et l’écriture. Alors il n’en parle à personne, mais il se sent décalé, ignare, stupide, « bouseux » quoi… même si parfois, il lui semble renifler une petite odeur de vernis chez les autres.
Aussi, quand sa cousine lui propose d’aller au musée d’art moderne à Bruxelles, il accepte sans hésiter. Pourquoi pas ? Il aura pour une fois quelque chose à raconter.
Mais là ! Il se demande vraiment ce qu’il fait dans ce musée où il est de bon ton de se taire, de marcher à pas feutrés, et surtout de ne rien toucher.
Il a beau changer d’angle, il ne comprend pas pourquoi la peinture qu’il a devant lui peut être considérée comme une œuvre d’art. Le visage, démesurément allongé de l’homme, lui parait trop caricatural avec son front anormalement étroit, ses larges pupilles d’un noir trop noir et ses iris d’un bleu un peu trop bleu. Il se recule. Les touches de couleur ? Oui peut être…
Il n’a plus qu’une envie. Sortir de ce musée et partir flâner dans Bruxelles, appareil photo en main.
Ce qu’il aime c’est la pierre, son grain, sa couleur, sa forme, son contact sous les doigts et la paume. Une pierre, et c’est toute une histoire paysagère qui défile devant lui. Partout où il va, il aime observer comment l’homme l’a utilisée en construction.
Qui sait ce que Bruxelles va lui réserver comme surprise !