30. « A toi, mon fils, je dis tout » (Jim)
Il n’en a parlé a personne. On a interrogé tout le monde : rien. Il a tout fait en douce. Il a agi seul. Comme un pro. A-t-il laissé seulement une trace qui aurait pu laisser penser que… ? A-t-il fait la moindre erreur ? Je suis bien obligé d’avouer que non. Pas le moindre faux pas. Le crime n’était pas presque parfait. Hitchcock est largement dépassé. Le crime était parfait. Sublime. Irréprochable en son genre. Unique. Puis il a disparu.
Et pourtant.
Et pourtant aujourd’hui on sait qu’il en a parlé à quelqu’un. Il a fallu des années pour le savoir, mais on sait. Ça n’aurait rien changé ; le cours des choses en aurait été en touts points identique, mais pour moi, ça change tout. Ça me rassure. Un homme ne peut donc complètement être froid et inhumain. Au bout des pires actes, il reste un rien d‘humanité, une lueur. Désespérée, certes, mais présente. S’il en a parlé, c’est que c’était un homme, pas un monstre.
C’est ce grand bonhomme débile aux yeux bleus et à la tête dans les étoiles qui a fini par en parler. Après des années de traitement et de psychanalyse, il a finalement réussi à exprimer son terrible secret : alors qu’il n’était qu’un nourrisson, son père, juste avant de commettre l’irréparable, s’est confié à lui. Il lui a tout dit : ce qu’il allait faire, pourquoi et comment il allait le faire. Le bébé a tout entendu, rien compris et tout enregistré. C’est probablement ce traumatisme qui lui a valu d‘être profondément déglingué jusqu’à présent, mais maintenant que le souvenir a ressurgi, il lui reste peut-être une chance de vivre une vraie vie ? Les psychiatres sont dubitatifs ; le trauma était trop profond, le secret trop lourd. On ne guérit pas aussi facilement.
Finalement, il aurait peut-être mieux fait de n’en parler à personne.