41. 19h15 (BlueG)
Il n'en a parlé à personne, pourtant il sent que ça frappe dans sa poitrine. Laisser sortir quelques mots, pour partager, rien de plus.
Sept jours maintenant que tout a changé, qu'il... bref.
Il ne veut pas tellement que ça se sache en même temps. Ça n'avancerait à rien, si ce n'est à l'enfoncer un peu plus dans la honte. Se regarder dans le miroir n'est plus chose aisée, mais s'il fallait qu'il croise la pitié dans le regard des êtres chers à chaque encadrement de porte il n'y tiendrait plus.
Il sort du bureau l'œil vide et la mine déconfite, personne ne remarque rien, tout le monde s'en fout. « C'est l'avantage des grandes villes. » se dit-il.
Il n'a pas très envie de rentrer mais n'a rien de particulier à faire, et traîner dans les bars, très peu pour lui.
Sur la route, rien de spécial, une chansonnette à fredonner tout au plus. En fait, rien n'a changé.
L'horloge sur le tableau de bord de son auto indique 19h15, il se sent un peu nauséeux. Ça doit être la tension, depuis ce jour tout son corps est douloureux, meurtri. Bref.
Il trouve une place devant la maison, sort de la voiture, prend son portable, le regarde, hésite, le remet dans sa poche. Il reste là, immobile quelques secondes, son regard traverse le jardin de la demeure sans qu'il n'en voie rien.
- Qu'est-ce que tu fiches ! Il fait froid! Entre!
- Je... je pensais... à un arbre pour le jardin.
Sa femme regarde, elle aime beaucoup les arbres.
- Oui, c'est une bonne idée! Un pommier, ça ferait des fruits l'automne, vu qu'on a déjà un cerisier...
- Oui. Oui. C'est bien, ça.
- Bon, je rentre, j'ai froid.
- J'arrive tout de suite.
C'est en regardant sa femme rentrer, courir se réfugier, fuir la vérité, car il était impossible qu'elle n'ait rien remarqué, elle, qui d'un œil furtif repérait la moindre mèche de cheveu hors cadre, c'est en regardant sa femme qu'il comprit que...
Je n'ai pas très envie d'en parler.