23. Histoire de l'avocat qui ne défendait personne sauf lui-même (Diaphane)

17 mars 2008

23. Histoire de l'avocat qui ne défendait personne sauf lui-même (Diaphane)

Elle entra dans mon bureau. Je ne pris pas la peine de lever la tête. Madame Olivietta était arrivée en avance. Je détestais ça. On ne fait pas ce que l'on veut du temps et de l'espace des autres. Avec cette liberté là, le monde est un sacré foutoir.

Je la priai de s'asseoir.

-Je suis à vous dans deux minutes. Juste le temps de ranger ces quelques feuilles. Vous êtes en avance, et moi je suis en retard.

Ces mots: l'effet d'un glaçon sur la langue. La conscience affutée de ses incapacités à gérer ses affaires comme on le désire. Cette femme allait le payer. J'eu bien envie de la foudroyer du regard, là, tout de suite. Mais j'attendis le silence, le malaise. Je savais que les personnes qui venaient me voir étaient déjà fragilisées par une histoire qu'elles seules ne pouvaient débrouiller. Elles étaient contraintes de s'arrêter chez moi, de bloquer leurs horloges internes, de venir mendier de l'aide.

J'étais payé pour ça. Pour secourir ces gens faibles qui n'avaient pas de quoi s'offrir la qualité de mon travail. Sans moi, ils n'étaient plus rien. Ils le savaient.

Ah ! Comme j'aimais sentir la douleur de ces âmes torturées devant moi... avant de gagner. Je n'ai jamais perdu un procès.

-J'ai encore l'odeur de sa peau serpentant les chemins sans ombres en mémoire. J'ai encore le goût de son corps dans mes veines, la caresse de ses mains dans mes cheveux, le cri de ses lèvres sur ma langue...

Elle était là, devant moi, dégoûlinante de ces mots. Mes yeux suivirent la chute de son manteau jusqu'au sol. Son corps s'effaça. Je n'eus que le temps d'apercevoir ses fins souliers vernis d'un noir d'épouvante. Trop tard !

La pierre avait jeté toute sa haine dans mon crâne.Cri.

Le sang. Un torrent. Le vent qui s'engouffre. Elle qui s'enfuit. Déchirement de l'espace et une porte qui bat le temps.

Madame Olivietta sortit du tribunal libre en chantant:

-C'est comme ça que l'on perd un procès!