4. A vide (Tisseuse)
C'est étrange, depuis que je ne travaille plus, je me sens de plus en plus fatigué.
Je les regarde, tous, en train de s’affairer. Ils savent où mènent leurs pas.
Ils me fatiguent !
Ils sont « béquillés » par leurs obligations quotidiennes.
Pas de questions à se poser : une heure pour le réveil, un minutage pour se préparer. Tout est calé, prévu… se rendre à la station de métro au bon moment, juste à temps (comme dans la gestion des stocks !) pour attraper la bonne rame… filer au bon endroit, comme des centaines d’autres, anonymes, sur un quai…
Oui, mais ce que je ressens, moi, c’est comme dans cette chanson de William Sheller qui me trotte dans la tête :
« On m'a tout mis dans les mains
J'ai pas choisi mes bagages
En couleur
Je cours à côté d'un train
Qu'on m'a donné au passage
De bonheur
Et je regarde ceux
Qui se penchent aux fenêtres
J'me dis qu'il y en a parmi eux
Qui me parlent peut-être
Oh j'cours tout seul
Je cours et j'me sens toujours tout seul »
A présent, je suis au chômage.
A présent, je suis seul avec moi-même, face à l’inconnu.
A présent, je suis devenu un train à vide, sans motrice, ni rails pour le guider.
Et ça pèse lourd, ce train, à tirer tout seul, sans moteur de vie, sans turbine d’envie.