11. Tumulte (Sherkane)
C'est étrange, depuis que je ne travaille plus, je me sens de plus en plus fatigué. Je connais bien ces passages à vide entre deux missions. Mais là, c’est autre chose. Je m’épuise dans une lutte sans fin. Des questions encombrent mon esprit. Questions auxquelles je ne veux pas penser, auxquelles je ne veux surtout pas répondre. Des questions qui reviennent avec d’autant plus de force que je les avais muselées dans un coin de mon esprit. Facile quand on travaille d’arrache-pied. Qui de Montaigne ou de Pascal a dit en substance : « L’homme se noie dans l’action pour ne pas penser à l’essentiel » ?
Tous ces gens autour de moi qui attendent de monter dans le métro, je les bouscule. Je leur crie de se retourner et d’observer leur reflet, là, de l’autre coté du quai. J’aimerais qu’ils me disent ce qu’ils voient, ce que leur dit leur miroir.
Je les affuble de couvre chefs extravagants, je les habille de vêtements chatoyants. Ils bougent, rient, s’interpellent. Ils vivent !
Je tague les murs de la station et le métro à grands coups de bombes de couleurs vives et criardes. Tout, plutôt que ce gris si propre, si conforme, si « dans la norme ».
Les portes du wagon se sont refermées. Assis sur un strapontin je ferme les yeux. Quelle ironie ! Depuis que je ne travaille plus, je me sens de plus en plus fatigué. Ces questions, il va falloir que j’y réponde.