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Paroles Plurielles
31 mars 2008

17. Alechinsky (Virgul)

C’est étrange, depuis que je ne travaille plus, je me sens de plus en plus fatigué.

Ce matin je me suis cependant levé plein d’entrain. Tous ceux qui l’on vue m’ont parlé avec enthousiasme de la rétrospective d’Alechinsky que je projette de visiter aujourd’hui.

Pourtant, là, dans le métro, j’hésite. Je reste en retrait et j’observe les gens qui se pressent pour l’emprunter. Je ne prendrai pas cette rame. Ils sont d’un autre monde, celui du travail, que j’ai quitté il y a deux ans. Durant 35 ans j’ai fait comme eux, j’ai partagé les mêmes horaires, nous nous côtoyions sans vraiment nous voir. Les jours se ressemblaient et nos corps, habitués à partir tôt et à rentrer tard, avaient acquis l’endurance pour tenir sur la durée, pour faire carrière comme on dit.

Soudain je souris. Carrière ? Une carrière, c’est un trou ! Un immense creux, qu’on évide et qu’on évide encore jusqu’à épuisement. Durant 35 ans je n’ai pas arrêté de creuser, usant des métros comme autant de galeries ! Mais pour extraire quoi ?

Un autre métro s’arrête, que je laisse repartir.

Je reste seul avec l’africain adossé au mur. Il semble avoir le temps, il n’est pas pressé.

Lorsque je vivais en Afrique, j’ai toujours admiré la propension qu’avaient les africains à disposer de leur temps. Ils prennent le temps, le temps leur appartient. Ils égrènent les secondes, une par une, comme un chapelet où chaque instant compte.

Perdu dans mes pensées, je reviens à la question : « Qu’est ce que j’ai bien pu extraire de ce fameux trou pendant si longtemps ? » Ni or, ni diamants, ni cuivre. A part des idées, je ne vois rien.

C’est donc ça ! Pendant 35 ans, je me suis creusé le tête ! Je suis vidé, moi ! Pas étonnant que je me sente fatigué, tant et tant d’années à me creuser la cervelle, forcément ça laisse des traces.

Devant mon air surpris, l’africain semble me comprendre. Nous ne nous parlons pas mais il semble me dire : «  Tout ce temps à utiliser ta tête pour découvrir aujourd’hui que c’est le temps que tu dois prendre ! Décidément, vous les blancs, vous avez perdu la tête . »

J’ai vraiment adoré Alechinsky.

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Commentaires
V
Tisseuse> alors dans ce cas, tout à fait d'accord. Merci pour l'éclaircissement.
T
Virgul > je reconnais que c'était un peu sybillin comme formule :))<br /> en fait, l'idée que j'essaie d'exprimer n'appelle pas la passivité, ni le hasard, mais plus la position d'ouverture d'esprit, que j'oppose à la recherche "forcenée" de la pensée
V
Merci pour vos commentaires.<br /> Celui de Tisseuse m'interroge? "Les idées ne se traquent pas, elles s'espèrent". C'est une très jolie formule et pourtant " Ce qui ce conçoit bien s'énonce clairement ...", pour moi concevoir (une idée p ex) est le résultat d'un effort, moins d'un hasard du type "eureka !" C'est la passivité de l'espérance qui me chiffonne.
T
les idées ne se traquent pas, elles s'espèrent<br /> <br /> j'aime bien la philosophie qui se dégage de ce texte<br /> c'est être dans l'"être" et non pas dans le "faire"
C
J'aime beaucoup cette idée de "creuser un trou" que tu exploites au maximum dans ton texte, Virgul...<br /> Tu joues ainsi sur les idées et sur les mots...<br /> Et on ressent très bien le vide que tu as voulu montrer...<br /> prendre son temps désormais, oui, c'est une bonne idée...
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