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Paroles Plurielles
13 avril 2008

11. De toute urgence - (imago)

Il faut absolument que je pense à lui dire ; c’est trop important. Ca ne peut pas attendre. Je vais d’ailleurs lui dire tout de suite. Lui téléphoner là, maintenant. Oui, lui téléphoner.... Non, pas ici. Ce serait mal vu, impoli, inconvenant. Ca va les gêner tous ces braves gens qui déjeunent tranquillement. Et qui vont tout entendre. Quand c’est quelqu’un d’autre qui  m’inflige une conversation personnelle, je fulmine et le foudroie du regard. Alors, je ne vais pas en faire autant…

C’est pourtant important. Je voudrais tellement lui dire que...

Ou alors un texto. Oui, c’est ça, je vais lui envoyer un texto. Voyons … Où est-il ? Voilà, je l’ai. C’est quand même pratique, les portables, quand on a quelque chose d’urgent à dire.  Allons y. Bon, clic gauche, flèche de droite, valider. Voilà. Message. 1. créer un nouveau message 2. mes messages 3. modèles. 4. Tout supprimer… NON, pas tout supprimer. Bon 2. mes messages. 1. boîte de réception. Mais non ! Qu’est ce que c’est que ce truc. Boîte d’envoi. Voilà, 3. Boîte d’envoi : Vide , comment ça, vide ? P…  Bon. Flèche de droite : vide, retour ; brouillons : vide. Retour. Flèche de gauche. Boîte de réception. Mais non, pas boîte de réception !

M… j’ai renversé mon verre. Bon tu te calmes, tu respire et reprenons.

Clic gauche. Flèche vers le bas. Valider. 1. créer un nouveau message. Voilà. 1. SMS. Voilà, nous y sommes.

« Ce n’est pas bon ? ».

Je regarde mon assiette intacte, qui surnage sur la nappe trempée avec un bout de pain en guise de radeau. Puis je lève les yeux vers le garçon, gilet noir sur chemise blanche, petite chaîne du serviteur lui barrant le ventre, plateau sur la paume de la main droite, serviette blanche sur l’avant bras, qui me désigne du doigt gauche le plat posé devant moi : le steak au beurre maître d’hôtel figé, les haricots verts fluo, la pomme de terre en robe des champs.

« Non, non. C’est bien. Vous n’auriez pas un jeton de téléphone ? »

« Un jeton de téléphone ? », répond-il d’un air que je trouve idiot en montrant du regard et du menton le portable dans ma main droite.

« Ben oui. Un jeton de téléphone. Pour téléphoner. Une cabine, quoi »

« Oui, au sous-sol, dit-il d'un ton ahuri, en accompagnant ses paroles d’un mouvement de l’épaule. Pas besoin de jeton. Je pense qu’elle accepte les euros… enfin, je crois »

« Allo, allo, c’est toi ? Oui c’est moi. Oui, je t'appelle là pendant que je suis en train de déjeuner. Dis donc… Mais qu’est ce que je voulais te dire déjà ? »

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Commentaires
M
très drôle et percutant à la fois.j'aime bien la fin.
S
Vivant et drôle !<br /> Un VRAI monologue intérieur dans lequel on se perd tou seul. Vive le progrès !
C
Le progrès nous emmêle les pensées, et ça donne un texte drôle et très agréable à lire :o)
V
Très belle idée, cette excitation "communicante" !…
P
C'est très vivant, très bien décrit et rythmé, et très amusant...Vivre d'amour et d'eau fraiche, toute sensation de faim oubliée dans cette socièté de ... communications ;-)
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