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Paroles Plurielles
18 avril 2008

31. Remparts par Farfalino

"Il faut absolument que je pense à téléphoner au directeur des ressources humaines : je veux continuer à travailler ! Je vais lui asséner quelques vérités : je ramène plus de 10% des ventes, les deux commerciaux embauchés pour me remplacer sont encore des bleus. Je vais cet après-midi rattraper l’important prospect qui n'a pas été convaincu par leur médiocre présentation, cela devrait ramener une commande conséquente et augmenter mon chiffre. Je dois penser d'ailleurs à appeler un de mes amis chez les concurrents pour qu'il me laisse le marché en échange des deux petits contrats qui ne peuvent pas nous intéresser. Je vais leur montrer de quoi je suis encore capable"

"Mon chéri, tu devrais manger trop vite".

Il ferma les yeux. Il put presque sentir sa douce main posée sur son bras pour le retenir comme elle l'aurait fait pour un enfant dont la fourchette s'emballe. Sa voix était à la fois soyeuse et ferme.

Ne pas penser. Se rappeler de son parfum. Résister. Invoquer le charme de son sourire et la profondeur de son regard. Repousser le chagrin et la douleur. Ne pas revoir la silhouette squelettique, chauve et brûlée, au milieu du salon, dans le lit prêté par l'hôpital, reliée à la vie que par des tuyaux et des machines qui couvraient le filet ténu de ses derniers mots.

Il reposa sa fourchette et se cala au plus profond de sa chaise, lové dans le souvenir de ses bras enlacés. Il se sentait perdu, vieux, solitaire, abandonné. S’abrutir de travail l’empêchait de se souvenir du sifflement continu de l’appareil qui avait sonné le glas de trente années de bonheur.

"Monsieur ?! Vous avez fini ? Désirez-vous un café, un dessert ? Monsieur ?!! »

Il n’entendait plus. Il courrait avec elle dans les champs de blé le jour de juillet où ils avaient fait la première fois l'amour. Le soleil était éclatant, ils étaient jeunes, ils étaient beaux, ils étaient insouciants : une vie magnifique les attendait !

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Commentaires
V
Une grande tendresse et une nostalgie, très bien décrite, que le travail ne parvient pas à faire oublier. Un beau texte.
F
oups voilà une faute d'inattention importante.<br /> evidemment il faut lire "tu devrais manger MOINS vite"
L
très tendre et émouvant.<br /> en revanche je trouve la formulation de la question/transition étrange : "tu "devrais" manger trop vite" me surprend un peu ...
W
Sic transit...
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