40. Peter ( Kloelle)
Il faut absolument que je pense à ne pas grandir.
Regarde-les, têtes plongées dans leurs assiettes, pensées phagocytées par le quotidien. Sur la terrasse le soleil danse dans le sautillement des corps qui passent mais ils ne tourneront pas la tête pour le voir.
J’aimerais que maman demande à ce vieux monsieur aux cheveux blancs si ses frites sont bonnes, s’il a ses habitudes ici. J’aimerais proposer au jeune homme de nous lire un passage du livre qui absorbe toute son attention, mais si je le fais elle trépignera et ses yeux rouleront des éclairs de réprobation.
Je suis sûre que la jeune femme de gauche est professeur de solfège. Un deux trois, un deux trois, elle mange au rythme d’une pièce en ternaire.
Ils ne lèveront donc jamais les yeux ?
Ensembles, ensembles et seuls. Je ne veux pas finir cloîtrée dans cette solitude hurlante qui érige des défenses plus hautes que la muraille de chine.
Tu as raison Peter, il faut absolument que je pense à ne pas grandir.