Ce matin... (Mifa)
ce matin
pour la première fois depuis longtemps,
depuis jamais,
sous le
ciel qui ne pèse plus comme un couvercle
elle ouvre une porte
touche du
regard cet arbre qui rumine au bout du jardin
lève la tête vers les feuilles
pleureuses
gravier mouillé
s'étonne de l'unique papillon, deux pétales
marbrés, posé sur
cette tige du lilas d'Espagne
que le vent pousse comme
une balançoire
ce matin
pour la première fois depuis
longtemps,
depuis jamais,
la terre n'est plus charbon ardent
elle pose
un, deux pieds dans l'allée
le merle dit beaucoup de choses
mais le chien
n'entend pas, fouillant les herbes,
humant la terre
fraîche, la
terre,
mais pas trop fraîche, peut-être plus jamais
de ce froid qui tue
la chair
ce matin
pour la première fois depuis longtemps,
depuis
jamais,
elle est sortie pour n'être qu'elle
quoi que ce soit d'être
soi
ni terre ni chien ni lilas mauve d'Espagne ni ce papillon jaune
couché
sur les tiges par le vent qui monte de la vallée
pieds nus, elle est
sortie
pour la première fois ce matin,
pour la première fois
sous le
ciel qui ne pèse plus comme un couvercle