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Paroles Plurielles
7 mai 2006

L’attente du retour (Coquelicot)

Maria, comme toutes les années à pareille époque, a dressé avec tant et tant d’amour la table pour ceux qu’elle attend. Son homme, Pablo et Miguel, le fruit aîné de leur amour, sont pêcheurs. Burinés par le soleil et les embruns, le cuir tanné par le sel, le vent et les vicissitudes du métier, ils ont encore bravé les flots, les semaines d’éloignement et la peur du mauvais œil qui plane au-dessus des filets d’une campagne de pêche qui s’annonce chaque saison de plus en plus mal. Quotas difficiles à contourner, matériel dans un état de délabrement de plus en plus inquiétant, source permanente d’accident,  et concurrence de pêcheurs venus d’ailleurs, sans la connaissance du métier mais avec un appétit salaire moins rude pour la société patronne du patron. Ils ont tout de même embarqués. Si le salaire a été revu à la baisse, ils travailleront plus … et tout est dit ! A quoi peuvent-ils être bons s’ils restent à quai ?

Chaque matin, en bord de la mer, Maria est venue ramasser deux galets. Avec minutie, elle en a retourné des dizaines du bout de pied avant de se baisser pour ramasser religieusement les pièces uniques choisies pour leurs couleurs du jour, leurs formes polies par tant de marées, leur patience et leur résistance aux caprices de la mer. Maria les a serrés sur son cœur, a dit ses prières au vent et à la mer, puis elle est rentrée à la maison, posant délicatement les pierres précieuses dans la grande coupelle en terre cuite qui trône sur la table rustique aujourd’hui magnifiquement dressée.

Tôt ce matin, elle a fait chauffer le four et  a dépensé toute son énergie et son adresse à le maintenir à température pour être prête à enfourner la pâte dès le coup de sirène lui annonçant la rentrée du bateau au port. Le temps d’amarrer, de transvaser la pêche et de boire un dernier coup entre hommes, le pain frais sera prêt. Les hommes, ses hommes, rentreront à la maison, la fatigue au corps mais les narines merveilleusement taquinées par cette odeur chaude et douce que Maria leur offre à chaque retour depuis tant et tant de pêches.

Maria a le sourire, les yeux posés sur une photo jaunie, la première sortie en mer de Miguel. Deux galets tournent et retournent dans ses mains. La sirène a déchiré son rêve et peu à peu ses narines frémissent, excitées par l’odeur des brioches. Au terme de l’angoisse d’une campagne de pêche, Maria se le redit : Ses raisons de vivre et d’espérer sont simples …elle aime ses hommes, les galets et l’odeur des pains briochés, bronzés, polis par le vent et l’eau, chauds et biens cuits …

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Commentaires
F
Merci Coum, pati et fleur! Vos commentaires me font du bien. Je suis en train, malgré tout, de retrouver le plaisir d'écrire, de lire et de réagir. Merci!
F
J'aime particulièrement le passage où elle ramasse les galets, ce sprières au vent et à la mer ...
P
humanité simple.<br /> c'est exactement ça, coumarine.<br /> <br /> ravie de retrouver ta poésie, coquelicot! c'est toujours un régal de te lire.
C
C'est tout simplement tendre et beau, cher Coquelicot...<br /> Quel plaisir de te revoir ici, de pouvoir lire tes petits textes pleins d'humanité simple<br /> J'aime cette Maria...(et j'aime ses petits galets polis par tout son amour...)<br /> Merci FC
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