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Paroles Plurielles
6 août 2007

Truisme (Kloelle)

Ce que je venais de dire à la vieille marquise Guy de Ruy était l’exacte vérité.

Bien sûr la vérité est toujours plus douloureuse, moins tranquille que le mensonge. Mais je m’étais trop longtemps vautrée dans l’antre moelleux et rassurant de la courtisanerie et ce nid douillet m’étouffait aussi sûrement que des mains assassines.
Je n’avais pas attendu le moment propice… Il est même pertinent de relever que cette bouffée de franchise m’avait frappée au moment le plus inopportun.

Ils étaient tous là.
Clara, pleine d’assurance dans une grande robe fourreau mal ajustée qui mettait en valeur les adiposités que lui avait offertes la quarantaine; Jacques s’empressant auprès de la marquise avec ce regard mielleux qui le définissait dans son entier; Emilie déboutonnant sa vacuité entre deux rires hoquetants et le vieillissant comte d’Aurévilly occupé à talonner sa trop belle et trop jeune épouse .
La marquise posée au centre de la pièce déclamait, nous infligeait devrais-je dire un poème de sa composition sous les mines faussement ouvertes et impressionnées d’une kyrielle d’aspirants courtisans.
Pour tout dire, les muses n’avaient pas eu la main heureuse à sa naissance, loin s'en faut.
Je pensais en vidant mon enième verre que cette femme ne serait rien sans sa fortune familiale, elle n’était d’ailleurs rien d’autre que le reflet faussé que lui renvoyait les regards intéressés d’une poignée de flagorneurs, une pierre de pacotille s’offrant un peu d’illusion dans une société surannée qui s’accrochait à des valeurs qui n’avaient plus cours.
En cet instant précis j’ai eu mal d’être moi.
Je me suis levée en lui criant de se taire, la pressant de cesser de nous assommer avec ses mièvreries de femme finissante.

Dans ce compartiment de seconde classe du train qui me ramène dans ma petite ville de province, j’y vois maintenant un élan salvateur de mon inconscient qui savait que l’auditoire ne me laisserait aucune possibilité de rédemption… Je suis sans tristesse… Je goûte au plaisir simple d’être moi.

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Commentaires
I
une vraie scène de film.... on s'y voit et on LES voit !<br /> <br /> Bravo
P
On respire avec elle.
L
Un texte intéressant par la lucidité à laquelle il invite.
G
Jolie peinture d'une certaine société.
P
Voilà un beau tableau de genre, c'est très pictural, Kloelle, je vois vraiment un tableau style Second Empire (avec les adiposités de la pauvre Clara). Ca se laisse goûter et lire avec plaisir...
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