31. Le cahier rouge (Lys)
J'ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac.
Ça faisait longtemps que j’en crevais, longtemps que ma plume était prête.
Alors là sur ce banc, J’ai entamé une page pour décrire mon naufrage, pour me faire céder la cage. J’ai entamé une page dont j'ignorais encore qu'elle allait changer le cours de mon existence.
Là sur ce banc J’ai crevé l’abcès… J’ai libéré un flot de mots, j’ai écris avec rage, j’ai confondu les mots, j’ai barré, j‘ai raturé, j’ai corrigé, j’ai accusé, j’ai vomis cette noirceur, je l’ai libéré là un bon coup, j’ai nommé le mal, j’au voulu que l’immonde s’échappe une fois pour toute afin de ne plus jamais avoir à subir son influence.
Là sur ce banc, je me suis laissé atteindre, meurtrir, démolir dans mon être. J'ai laissé tant de bouts de moi sur cette route sinueuse, tant de haine et tant d'angoisse. J’ai consenti à m’exposer à la rage, aux sanglots, j’ai vu les pages se tâcher, le sol sous mes pas se dérober, j’ai trébuché, je suis tombée, soûle d'avoir tant pleuré. Et finalement je me suis relevée…
Là sur ce banc, j’ai survécu. Oui les larmes ont coulé. Lavé peut être… Et je reviens, je reviens. Lentement sur le chemin de moi-même, j’y repose mes pas après une longue absence, un jour au ciel clair presque blanc où le soleil laiteux tente de percer sous le voile des nuages. Comme une caresse dans mes idées, une douce griserie. Comme me sentir maître de mes mouvements, sans entrave physique ni morale. Comme élever mes pensées. Debout, résolue et vivante...
Oui je suis là, sur ce banc. Face aux barreaux de ma cage.
Et je viens de faire sauter le cadenas. Avec juste entre les mains…
Mon cahier rouge colère.
Libre