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Paroles Plurielles
15 mai 2008

Je suis entré dans la ronde... (Lorraine)

Ce matin pour la première fois depuis longtemps, je me suis réveillé en sachant où j’étais. J’avais un vague sentiment de souffrance, qui ressemblait à un souvenir . Je voyais des ombres qui dansaient en lançant loin des cartables , et il me semble qu’elles chantaient.  Des ombres ne chantent pas, d’habitude. Mais c’était l’ombre des profs qui envoyaient les cahiers au feu et les étudiants au milieu.  Ils en avaient ras le bol, ras la casquette, et moi aussi.

Alors, je suis entré dans la ronde, comme les autres j’ai crié « A bas le système ! A bas l’école ! A bas les jeunes » » je n’en pouvais plus de crier. J’étais emporté, tourbillonnant, dans la ronde infernale. Certains collègues restaient en dehors, ils faisaient des gestes de conciliation mais Julie, Adrien, Chantal  et Pierre et aussi Fabian, et aussi Bernadette, continuaient à chanter « les cahiers au feu et les jeunes au milieu ». C’était drôle d’envoyer nos serviettes d’enseignants dans le ruisseau, de hurler comme le font les 5ème
professionnelles dans la cour de récréation. Que dis-je ? Crier ? Gueuler ! Oui, j’ai gueulé. Je m’en suis donné à cœur joie. Tout est sorti. La colère, l’indignation, l’incompréhension, la revendication, la supplication, tout ce qu’on ressent sans rien dire, et qui nous étouffe.

Et puis, plus rien. Ce matin, pour la première fois depuis longtemps, je me réveille dans un lit d’hôpital. Il paraît que j’étais dans le coma. Il paraît que j’au reçu une pierre sur la tête, lancée par François, le meneur de la classe. Il m’a visé, il ne m’a pas raté. Depuis combien de temps, Mademoiselle ? Trois semaines, vous dites trois semaines ? je pourrai sortir quand ?  On ne sait pas ? Pourquoi ? On ignore comment je fonctionne ? On pense que peut-être je devrai démissionner ? C’est quoi, cette embrouille ?..

Je le sais, au fond de moi. Les profs ne peuvent pas se rebeller. Les profs n’ont pas le droit de... Et les jeunes  ils ont le droit, eux ?...

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Commentaires
L
Un sentiment d'impuissance qui peut mener certains à la dépression ou au désespoir, oui, Mimik. Je connais un prof qui a été balancé par-dessus une balustrade et en est sorti l'épaule fracassée. Il y a, hélas, d'autres exemples!...
L
L'actualité frappe tous les jours de plein fouet, Rsylvie, donc elle ne m'a pas ratée!.. L'image m'a menée dans une cour de récréation...enfin, pas tout à fait! Merci à toi!
L
Chère Pati, je t'épates?... Moi, je suis confuse! Ce que tu dis est excessif, je pense que si j'ai une certaine maîtrise de la plume, c'est dû à plus de quarante ans de journalisme et l'habitude (et l'obligation) d'être impartiale, donc de trancher, d'ôter le superflu, et de mettre l'essentiel en lumière. <br /> <br /> En tous cas, merci pour ta gentillesse et ton commentaire, ils me font plaisir, sois-en sûre!
L
Je partage tes sentiments, Amanda! J'étais très activement engagée dans l'information sur les études à l'époque où a été institué le rénové. Journaliste, je suis entrée dans les classes et j'ai dénoncé les premières aberrations qui projetaient (comme tu dis au nom de l'égalité des chances!...) des jeunes dans des cours de latin alors qu'ils étaient destinés au professionnel. Simplement parce que leur culture ne pouvait pas les préparer à des études essentiellement littéraires. Ce fut le début de la dégringolade, de l'anarchie dans certaines classes, et du ras-le-bol des enseignants. Et d'année en année, j'ai vu galoper la catastrophe...
M
oui cruelle situation qui amène à pousser des coups de gueule et qui paraît bien insoluble dans notre société actuelle!ton texte rend bien cette colère liée à la motivation et au sentiment d'impuissance mêlés
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