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Paroles Plurielles
2 mars 2006

Bienvenue (Alauda)

La douleur va crescendo…

Et on ose appeler ça la délivrance, scande-t-elle in petto dans un soliloque désespéré.
C'est sûr, le supplice du chevalet ou celui de la roue devaient être de véritables parties de plaisir à côté de ce qu'elle endure depuis quelques heures !

Dans ses rares moments de répit entre deux pics de contractions, elle se demande pourquoi elle a cédé aux instances de son mari.
C'est lui qui a souhaité avoir un enfant au départ…
Un petit bout d'homme - ou de femme à la rigueur… - ,  un petit bout d'eux, en somme, qui serait là pour perpétuer leur existence quand le sablier aurait terminé d'égrener le temps qui leur était imparti.
Facile pour lui !
Se maudissant pour sa faiblesse,  elle jure qu'elle donnerait n'importe quoi en échange d'une heure, une seule heure, sans cette douleur lancinante qui lui déchire les entrailles.

A travers ses paupières mi-closes sur son  marasme interne proche de la démence, elle capte la pâle silhouette de l' infirmière censée lui apporter quelque réconfort.
La pauvre n'en peut mais…
Elle vaporise à la demande, pétrit gentiment la main crispée sur le bord du lit,  indique quand il faut souffler,  pousse la conscience professionnelle jusqu'à  haleter régulièrement  tel un vieux chien asthmatique.
Elle est parfaite…

Elle ne commet qu'une seule erreur en se penchant au-dessus de la parturiente en délire pour réajuster la perfusion qui, lui avait-on assuré, allait accélérer le travail…

Poussant  un cri à faire chavirer un navire vent debout, celle-ci lui agrippe le gras du bras et pince la chair offerte avec une force qu'elle-même n'aurait pas soupçonné avoir encore.
L'infirmière hurle, à l'unisson,  surprise de ce qu'elle prend, à juste titre,  pour des représailles imméritées…

Pas question de lâcher ce bras salvateur pour autant… Elles s'en sortiront toutes les deux ou elles y resteront ensemble !

Alertés par les hurlements désormais ininterrompus de l'une et de l'autre et  -  enfin - convaincus qu'un drame affreux est en train de se dérouler dans leurs murs, deux  médecins et trois sages-femmes déboulent dans la salle de travail… juste à temps pour t'accueillir, mon amour…

Bienvenue au monde, ma fille…   Merci d'être.

Tu verras, mettre un enfant au monde est absolument fabuleux !

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Commentaires
C
Très belle histoire. Bravo, Alauda! Je ne peux, et ne pourrai jamais, vivre en dedans de moi-même cette fabuleuse expérience. Pourtant, avec toi, Alauda, je m'en rapproche. Je revis ce passage fulgurant des tensions et douleurs à la joie profonde et la paix de mon épouse au moment de la naissance de notre fille, il y a tant et tant de temps! "C'est le plus beau jour de ma vie" avait-elle dit ... et dit-elle encore quand elle y repense. Ton texte, avec son humour, sa vérité, la tendresse de la dernière phrase me rajeunit et empli mon coeur de joie. Merci!
A
Ce texte est délicieux... je pense à la chanson d'Anaïs, je pense à deux de mes amies qui vont bientot accoucher... vraiment Bravo Alauda!
C
Je souris en lisant la fin de ton texte...l'infirmière s'en souviendra de cette mère un peu bizarre...<br /> <br /> Volà le 5ème texte écrit à partir de ces mots imposés, et lui aussi est original et différent des autres...<br /> Une naissance...bravo Alauda
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