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Paroles Plurielles
25 août 2006

Le petit con (Farfalino)

"S'il te plaît, dessine moi un ami."
"S'il te plaît, dessine moi un ami !".
Je bondis sur mes pieds comme frappé par la foudre et je découvris devant
moi un petit garçon à la peau mate, la larme au bord de ses deux immenses
yeux noirs qui m'imploraient.
Un peu péremptoire, je tentai d'éloigner l'importun "Je ne sais pas
dessiner. Et puis un ami ça ne se dessine pas. Ca se cherche, ça se trouve
parfois, ça s'apprivoise et ensuite, c'est dur à garder. Mais ça ne se
dessine pas comme ça, parce qu'on en a envie !"
"S'il te plaît, dessine moi un ami !". Le corps du petit bonhomme tremblait.
Je pris mon crayon gris et je dessinai rapidement quelques ronds et quelques
traits sur le bord encore vierge de mon sudoku force 3 que j'étais en train
de résoudre. Le résultat n'était pas digne d'un enfant de 6 ans. "Tiens
voilà !"
"Il est trop moche, recommence s'il te plaît !" demanda le jeune garçon
après avoir jeté un oeil à mes griffonages.
Je dessinais un rectangle avec 3 ronds. "Tiens voilà ça, c'est une caisse.
Ton ami, il est à l'intérieur ! Il faudra le nourrir et lui donner à ...".
"mais t'es con on l'voit pas, on peut pas jouer avec !" répliqua le jeune
garçon dont la tristesse avait été remplacé par une morgue boudeuse.
Je soupirai. "Comment tu le veux ton ami ? Petit, gros, grand ?"
"Si j'avais un ami, je pourrais lui dire à quel point tu es un mauvais père"
déclara l'enfant qui avait repris son expression contrite.
Je hochai la tête pour lui signifier mon agacement qui allait bientôt
déborder en une paire de gifles sonores et bien senties.
Je repris mon crayon et je tentai un dessin plus figuratif. La mine du
crayon céda sous la pression un peu rageuse de mon doigt. "Merde ! Je ne
peux pas dessiner ton ami, mon crayon est cassé et je n'ai pas de
stylographe ! Va voir ta mère !"
"S'il te plaît, dessine moi un ami !" demanda encore une fois son fils d'une
voix plaintive. Il marqua un pause puis reprit "Sinon je dis à maman que MA
maîtresse est TA maîtresse !".
"Il n'y a plus d'enfant." pensai-je in petto.
J'avisai un morceau de bois planté dans le sable et je contemplai la plage
déserte en cette fin d'après-midi. Je me levai et je griffai le sol avec mon
crayon énorme improvisé.
L'enfant courrut et en fit fébrilement le tour. "C'est tout à fait comme
cela que je l'imaginais !". Son corps ne fit pas de bruit quand il
s'allongea sur le sable. Il écarta les bras et fit mine de prendre la main
de son nouvel ami.
Je replongeai dans mon sudoku force 3 tentant de remplir les chiffres vides
avec le bout de mine qui me restait. A peine quelques minutes plus tard, une
ombre recouvrit les cases de ma torture mentale, "S'il te plait, dessime moi
des toilettes, J'ai terriblement besoin de faire pipi".

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Commentaires
B
je préconise de l'envoyer promener (en cherchant l'endroit adéquat par exemple) et s'il insiste avec sa menace de lui rire au nez (si c'est vrai et qu'il est courant sa mère aussi)
F
Jusqu'où se cache la perversité : le père a-t-il comme maîtresse l'institutrice de son fils et celui-ci le sait, ou, le fils menace son père sans fondement mais cela déclencherait une tempête familiale que le père préfère éviter ?
C
Un bel enfant roi, cet enfant de salaud. Lui, le grand a une maîtresse, l'aautre, le petit, en est le maître sous la menace... Y a plus qu'à faire avec...<br /> Amusante cette écriture qui part sur un air connu et nous conduit à tout le contraire du petit prince blond qu'on avait en tête. Bien joué!
C
J'ai bien aimé ce texte.
P
amusanr, caustique, malin... c'est un vrai petit diable ce gamin :)<br /> <br /> joli texte, bravo!
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