Migration. (Thierry)
Au matin, le verre était vide.
La mémoire insipide.
La vie livide.
La soirée solitaire fût bien trop liquide.
Toutes les bouteilles sont vides.
Mon esprit flotte, barquasse entre deux mondes.
L'un d'eux est la raison, figé comme cette rambarde de quai.
L'autre, la déraison, l'imaginaire délié et tourmenté, ensemble à la dérive sur des flots furieux et indomptés. Dans ce monde sans raison, ma maison d'enfance, elle est belle, bien plus belle qu'elle ne l'a jamais été. Et les monstres d'antan, ceux qui étaient là au bord du gouffre, m'y saluent aussi, avec cette même gentillesse diabolique.
Mais que veut dire cette main tendue de ce monde de beautés et de tourments mélangés?
Viens avec nous, reviens dans notre antre à jamais changeante, ta vie est ici, nous sommes à toi comme tu es à nous?
Mais peut être veut-elle dire, pars, pars, vite, va sur cette rive bien attachée, va tant qu'il en est encore temps, ton corps, ton esprit ont bien trop souffert d'un monde aux cahots bien trop violents pour ton âme abimée?
L'oubli serait-il un quai où aucune galère, aucune barque de misère n'accosterait ? Où aucune beauté exotique et mystérieuse ne serait susceptible d'enchanter, d'ensorceler les coeurs?
Toi, l'oiseau qui voit tout cela de là-haut, emmene-moi dans ton trajet.
Juste pour une saison.
Pour une migration.