Brumes lacrymales (Elvire).
La mer grise, fracassée.
Marée montante, ressassée.
Elle et moi, on s’ennuie.
Sur les marches d’Ostende, je porte mes années folles,
En offrande.
C’est peu de dire que je suis une garçonne.
Au sortir de la grande guerre, j’ai taillé mes cheveux, vécu de jazz et de Martini Drink, skié sur les pentes au pied du Mont Blanc, grillé mes étés brûlants sur les plages de Saint-Tropez…
Ma fille n’a pas connu son père, elle est née libre, comme je l’étais : j’avais lu tout Tristan Tzara.
L’année 29 a sonné la fin du jeu.
A Ostende : le retour.
J’ai usé ma vie jusqu’à la corde, de long drink en long drink, mais la maladie qui m’emporte n’est qu’un ennui mortel.
Je vais descendre un peu plus bas, glisser de quelques marches et puis c’est tout. A Ostende, j’épouse la mer du Nord.
Pour Sarah, c’est autre chose.
Elle vit en Suisse, dans une pension réputée. Sarah ne vivra pas tout ce que j’ai vécu : cette guerre meurtrière et ces années de folie.
L’Europe est en paix désormais, et pour toujours.
Je meurs jeune, mais pour Sarah, c’est décidé, elle vivra centenaire.