Véhicule insolite (Brie)
Il choisit toujours la solution la plus compliquée. Mais c’est ça qui lui plaît.
Cette année encore, il s’était inscrit à ce grand concours annuel de la meilleure invention de l’année ! Déjà tout jeune, son cerveau était tout le temps en ébullition, une vraie cocotte-minute dont le bouchon aurait oublié de s’arrêter.L’an passé, une fois de plus, un autre lui avait volé la première place. Pourtant, il en était sûr, son invention à lui, était bien plus originale et surtout utile. Il avait présenté un stylo, oh pas un stylo ordinaire, un stylo qui écrivait par la force de la pensée. Mais on lui avait répondu que les Hommes, sauf exception, n’auraient jamais cette force, ce pouvoir. Tant pis, son invention au moins lui était drôlement utile : un côté de son cerveau dictait ses formules, ses chiffres que le stylo écrivait instantanément, l’autre côté de son cerveau réfléchissait. Quel gain de temps ! Souvent, il se disait que sa vie, du moins celle là, serait bien trop courte ; Il avait tellement de choses à réaliser.
Il vida de son esprit cette dernière déception et se réconforta en se disant que cette fois ci serait la bonne, il en était sûr, il le sentait comme la consécration de tant d’années de recherches. Cette invention, il la bichonnait depuis des lustres. Personne n’était au courant. Il l’avait cachée dans le fin fond de son hangar. Un vrai capharnaüm, qui lui faisait office de logement et d’atelier. Son antre. Son hors du monde.
Il se mit à sauter joyeusement, dansant tout seul, sur la musique des formules qui chantaient dans sa tête. Il jubilait littéralement. Cette invention, il se disait qu’au moins, on ne pourrait pas lui rétorquer les mêmes raisons que pour son stylo. Tout le monde pourrait s’en servir. Et même, jusqu'à une centaine de personnes en même temps. Qui aurait pu créer un château roulant et nageant, sinon lui ? Il aurait pu faire simple, juste un château qui roule, mais non. Sa devise était « Pourquoi faire simple, lorsqu’il est si palpitant de faire compliqué ? » . Il chantait, il se voyait déjà en haut de l’affiche !
D’ailleurs, demain, c’était les derniers essais. Il savait déjà que le château roulait très bien sur la route. Il avait même testé ses rouages sur la plage. Pas un dérapage. Aucune embardée Les résultats étaient au delà de ses espérances ! Demain, dernière étape, il le ferait voguer. La mer n’attendait que lui !
En fait, il ne tint pas jusqu’au lendemain. Il tressautait d’impatience. Le jour tombait. Il monta dans son château, roula jusqu’à la mer, actionna la manette pour rentrer les roues dans la base-coque du château et avança doucement sur les flots. A peine avait il fait parcouru un mile qu’il lui semblât que le château basculait dangereusement sur l’avant. Il regarda tristement le coucher de soleil et se dit qu’il était peut être temps qu’il revoit sa devise….