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Paroles Plurielles
8 mars 2007

Prisonnier... (Pati)

Ça fait huit jours exactement que je suis enfermé ici. Huit jours de solitude, d'enfermement. Huit jours que je n'ai vu personne.

Ma prison est singulière. C’est une maison. Et si j'en crois la photo accrochée au mur de la cuisine, c'est une belle maison. De ces vieilles maisons de campagne où l'on imagine sans peine une ribambelle d'enfants la peupler. Un de ces endroits qu'on pourrait prendre pour le Paradis. Pas un bruit ne filtre du dehors, ne vient rompre ce silence assourdissant. A croire que toute vie a disparu de la planète, d'un coup d'un seul. Ce qui est singulier, c'est que je n'ai pas de geôlier…
J'ai regardé partout, inspecté chaque recoin, chaque étage. Je n'ai pas trouvé l'ombre d'une issue possible. J'ai passé chaque heure de chaque jour à me demander ce que je fabrique ici, chaque seconde de chaque nuit à gémir ma terreur.

Et puis ce matin, j’ai compris.
Car à y regarder de plus près, c’est la même maison. Mêmes volets bleus, même vigne vierge sur les murs blanchis à la chaux. Même la crémaillère où je planquais mon goûter semble se balancer à la même pergola. Et la cible aussi... C'est tellement vieux. J'étais si jeune, alors.
Julie...
J'avais six ans, je rêvais de ressembler à Guillaume Tell. Mon père m'avait fabriqué une cible et son arc, avec un jeu de flèches pour de rire. Julie et moi, on adorait jouer au chevalier qui sauve la princesse.
Sauf qu'un jour, j'en avais eu marre de ces flèches de pacotille, je m’étais fabriqué les miennes, en taillant les bambous du fond du jardin…. Sauf que j’avais pensé à tout...
Mais pas au vent. Et ma pauvre flèche en bambou s’était fichée très exactement dans la gorge de Julie.
Julie que j’adorais, avec ses tâches de rousseur et sa fossette au menton.

Julie qui est apparue ce matin, là, sur la photo, planquée derrière le volet à bascule de mon ancienne chambre et qui depuis m'appelle : « Viens ! Viens jouer avec moi ! Comme avant… »

Ça fait huit jours exactement que je suis mort. J'ai compris ce matin.
Attends-moi, Julie, je viens...

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Commentaires
B
J'ai vécu cela. La transparence de la vie. De l'autre coté du voile, si mince, des jours sans fin, nous attend notre amour.<br /> Avec vous, et votre talent. Sourire.
M
La mort apporte à notre héros le pardon de Julie et le libère du monde où il était enfermé. Bravo pour ton imagination à partir d'une photo et d'une consigne que tu as superbement exploités.
S
non seulement tu t'occupes de mettre tous les textes sur le site mais en plus tu en écris un, chapeau!<br /> Et toi au moins tu as intégré la cible, ce que beaucoup n'ont pas fait (moi la première), comme quoi on a intéret à regarder la photo à fond avant de s'y mettre!
C
Pati, je n'ajouterai rien à ce qui a été dit...<br /> Ton texte est tout en émotion...je l'aime beaucoup
A
fc a magnifiquement exprimé ce que je voulais t'écrire.<br /> Alors, je n'ajouterai rien sauf que je te salue bien bas, Pati. Quel talent !
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