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Paroles Plurielles
21 mars 2007

Peine perdue (Clau)

Il faut que je vous dise... Je vous ai menti ! Je ne suis pas du tout heureuse... Je fais seulement semblant de l'être depuis vingt ans, pour éviter de vous inquiéter, quoique je sois sûre que certains d'entre vous aient depuis longtemps deviné que cette joie de vivre et cette satisfaction qui éclatent à la lecture de mes lettres n'étaient qu'illusion... 

C'est vrai qu'au début il y eut le plaisir de la découverte... Apprendre une nouvelle langue... Découvrir un mode de vie en beaucoup de points si différent... Une nature si dépouillée qui incite à la contemplation et force à réfléchir sur soi... Et puis il existait aussi  cette possibilité de retour tous les étés pour vous raconter à demi-mots et replonger dans mon environnement... Cette alternance de modes de vie était très agréable et, c'est vrai, enrichissante... Mais avec les années et l'impossibilité de revenir régulièrement me ressourcer, tout se mit à devenir pesant... Ce que j'acceptai au début aisément me devint contraignant... Je dus  faire des efforts pour accepter ce qu'au fond de moi j'avais toujours considéré inacceptable... Je sais que sans la présence des enfants je serais partie depuis longtemps... Mais il m'est impossible de les laisser... Même s'ils sont la cause principale de mes souffrances... 

Je sais... Vous allez me dire que personne ne m'a jamais forcée à partir  il y a vingt ans et que de toute façon personne n'aurait réussi à me retenir... Vous aurez raison... Mais j'étais jeune et jouer avec le feu me semblait tellement tentant... Il aurait pourtant suffi que vous me disiez que si jamais je découvrais m'être trompée de route, je pouvais revenir au bercail sans hésiter... Que tout le monde serait là pour me soutenir... Mais personne n'a  rien dit... Lorsque je me suis rendue compte de mon erreur, je me suis donc sentie coupable... Et vous ai tu mon désarroi...   

Depuis des années, mon âme fragile et désemparée brûle... Je rêve d'un cours d'eau profond où pouvoir me jeter pour calmer mes brûlures... Mais ici il n'y ici que des oueds, assèchés la plus grande partie de l'année... Ces derniers douze mois furent particulièrement éprouvants... Je dois vous dire que je suis même surprise d'être encore en vie... Dans mes accès de désespoir j'ai souvent pensé que la seule solution à des problèmes insolubles, ou solubles mais au prix fort, serait une perte progressive de la raison, pour ne plus avoir conscience de ma souffrance... Pour m'aider à supporter avec indifférence une certaine forme d'absence à moi-même, le sentiment terrible  d'un échec... Et puis, j'ai souvent réalisé aussi que désespérer en raison d'imbroglios personnels et d'inaptitudes au combat est une forme de luxe quand il suffit pour perdre la joie de visionner ces corps qui explosent de foi aux proches alentours... Souvent compris que les égo sanglots sont indécents quand le sang coule à flot dans le sillon de ces explosions de véritable désespoir... Aussi faut-il finalement que je vous dise... Ne prenez pas au pied de la lettre ce que je viens de vous avouer... Ce ne sont que des déformations de la réalité... Je crois qu'avoir réussi enfin à vous faire part de mon mal -être m'en a libérée ! En fin de compte, tout ne va pas si mal... Et si c'était à refaire je le referais... 

Je vous aime et ne m'oubliez jamais... 

P.S J'apprends que les deux oueds situés aux alentours de la capitale seraient hier sortis de leur lit en raison des pluies incessantes qui tombent sur le centre du pays depuis une semaine ...

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Commentaires
C
Sammy : je ne ferai plus dans l'autobiographie... c'est promis ! et puis ce ne sera même plus la peine puisque finalement j'ai tout dit ! :-))<br /> <br /> Papy se tâche : Je ne sais pas faire les pirouettes ' un peu trop de rigidité de l'âme sûrement ;-) )je suis sois drôle sois triste mais difficilement les deux en un ! :-) mais j'apprécie beaucoup votre lecture du texte ... cet humour, politesse du désespoir , que vous avez cru déceler et qui, en vérité et malheureusement, en était absent ! :-) <br /> <br /> Arthur HIDDEN : cette allusion aux bombes humaines était là pour montrer que mon " drame " est bien ridicule et petit par rapport aux drames véritables ... merci d'avoir apprécié ce texte ...
S
Très beau texte Clau, peut-être un peu long, mais je ne suis sûrement pas le mieux placé pour critiquer sur ce point ^^<br /> <br /> Effectivement, on est porté par tes mots et on ne sent pas trop la longueur, mais j'ai dû le lire deux fois pour bien m'en imprégner ; certaines subtilités m'avaient échappées lors d'une première lecture trop rapide (merci Arthur Hidden...) Maintenant, j'ai une vision très claire du contexte de ton récit...<br /> <br /> Et en même temps, ça me gêne un peu. Le côté un peu trop "autobiographique" me gêne. Ce qui ne remet pas en cause la qualité de ton texte, bien au contraire, mais je ne voudrais pas que cela contribue à créer un précédent ambigü.<br /> <br /> Mais c'est peut-être une idée de ma part ?
A
Je n'ai pas ressenti la longueur du texte et en le lisant ce que Clau a indiqué être ses intentions m'a paru clair. Si quelque chose devait être coupé je me demande si ce n'est pas les allusions aux attentats. Ils soulignent fortement quelque chose qui est très bien suggéré par ailleurs.<br /> Ce n'est qu'un avis personnel. Encore bravo.
P
Clau, j'avais lu dans vos dernières lignes une pirouette humoristique teintée de désespoir. Je m'étais plu à imaginer que c'était vos larmes qui coulaient dans ces oueds. Qu'ensuite vous choisissiez de vous y noyer, restait une belle fin. Mais on pouvait y lire aussi que votre confession, non contente de vous soulager vous, allait apporter aux habitants de ce pays tout le bienfait d'une pluie réparatrice. Un don de soi, en somme.<br /> Je ne vous oublie pas.<br /> Je signe Papistache et perroquet violet sur la pointe de mon pied.
C
Bonjour Coumarine : j'avais bien compris qu'un texte comportant plus de 2000 signes ne serait pas accepté, mais je n'avais pas intégré les espaces entre les mots dans le comptage des signes , ce qui fait que je pensais que mon texte respectait la consigne .
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