Anaïs (Kloëlle)
L'horloge indique vingt deux heures trente, mais elle est en avance...
« Quand même tu pourrais la régler » me dit Anaïs.
Anaïs, trois mèches blondes indomptées qui s’échappent d’une pince bleue, le sourire apaisant d’une Madone de Léonard de Vinci.
J’aimerais
qu’elle comprenne que ce qu’elle prend pour une irrécupérable
négligence est un goût sensible pour les chemins de traverse, que ce
petit décalage, cette petite distorsion intime avec le temps me plait.
Mais
Anaïs, tourne et voltige, inondant mon univers de son rire clair… « Cet
objet sera mieux ici, tous ses livres et ce vieux vase : on ne peut
vraiment pas garder ça ! »
Anaïs, innocence d’une source jaillissant
au printemps, douceur d’un souffle d’été, je voudrais trouver les mots
pour te dire que je les aime, qu’ils ont un âme, que je pose mes mains
sur eux parfois, souvent, qu’ils sont de moi comme je suis d’eux.
Astiquer mes oculus ?
Vraiment
je crois que je ne vais pas pouvoir…ils sont mes yeux légèrement
troublés sur le monde, le prisme qui farde la vérité et me protège
d’une trop vive clarté. J’aime mes ombres.
Anaïs, regard mutin et rouge aux joues, c'est vrai, ce sont de vieilles ombres et ma vie a aujourd’hui la couleur de tes yeux.